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©Bernard Fournier |
12/10/13 Hommage à Maurice Lestieux
Notre ami Maurice, qui fut douze
années durant le Président du Cercle Aliénor, nous a quittés le 25 août dernier
et son départ nous a laissés dans la stupeur, tant sa bonté, son sourire, sa
disponibilité cachaient les problèmes de santé qu’il pouvait rencontrer.
Je connaissais Maurice depuis
bien moins de temps que beaucoup de ses amis et proches ici réunis mais dès
notre première rencontre, la sympathie fut entre nous immédiate et spontanée,
il m’est apparu comme « un être de lumière ».
Les horaires stricts qui nous
sont imposés pour la conférence prévue de longue date font que nous ne pourrons
aujourd’hui rendre qu’un bref hommage à notre ami poète ; aussi, en
attendant de lui réserver une séance dans le programme de l’année prochaine, tenterons-nous
de compenser la brièveté de notre évocation par la qualité des textes choisis et
la sincérité des témoignages.
Je commencerai donc par me faire
le porte-parole de Monique Gravaud,
l’épouse de Maurice, qui prie les membres du Cercle Aliénor de croire en ses
fidèles pensées et nous charge de lire ce poème en guise de remerciements à
tous ceux à qui, faute d’adresse, elle n’a pu répondre personnellement :
Ecoute
Tant de soin ne peut être vain.
Tant d’art
ne peut s’anéantir, ni tant
d’amour
se perdre. Ecoute ce regard
vibrant
jeté comme un cri, offert comme
un
sourire, à chaque rive du
bonheur. (Maurice Lestieux)
Je me fais aussi le porte-parole
de notre président d’honneur, Georges-Emmanuel
Clancier qui, vraiment peiné, regrette vivement de ne pouvoir être présent
et vous prie d’excuser son absence. Il témoigne aux proches et aux amis de
Maurice toute l’estime qu’il a pour le poète très sincère qu’était Maurice
Lestieux, saluant sa grande honnêteté d’esprit et sa conception exigeante de la
poésie. Georges-Emmanuel Clancier est
reconnaissant à Maurice d’avoir animé de longues années le Cercle Aliénor et,
dans le même sens qu’on parle d’hommes « de bonne volonté », il
gratifie Maurice du titre de « poète de bonne volonté ».
Quelques amis proches de Maurice
vont à présent apporter leur témoignage personnel :
Danièle Corre, qui succéda à Maurice, à la présidence d’Aliénor.
Passage de témoin
À Maurice Lestieux,
Toi qui as pris « la parole
par la main »1 et l’as conduite
sur des chemins de ferveur,
tu as dit « Tu sais, ce n’est pas moi qui dirai ton voyage.
Je glisserai pourtant au secret de ton bissac un
soupçon de festin pour les haltes désertes. »2
Voilà le jour venu où tu poses
le fardeau de douze années qui chantent encore
et te disent merci de les avoir aimées.
Tu veux t’émerveiller d’autres signes,
d’autres visages, d’autres discours,
tu nous laisses
jouer avec le feu, car « C’est un jeu,
c’est un jeu dangereux, le poème »3
écris-tu prudemment.
Tu veux poursuivre ailleurs
ta « quête d’azur aux fourches du figuier »4
avec nos mots vainement agrippés
à ton « écharpe de nuages »5.
Mais peut-on retenir
une force qui va,
avec « quelque intuition
de l’espace »6 ?
Tu veux chercher ailleurs,
loin de Saint-germain-des prés,
là-bas, vers le nord, « à l’autre bout
du temps, du rêve, de la question,
sur le versant secret de la parole,
la réponse juste. »7
Reviens nous instruire
ensuite du « soir lucide et doux »8,
« des humbles cargaisons de vouloir vivre ensemble »9
et nous tenir dans tes bras
« à grandes enjambées du cœur »10.
Danièle
Corre
6 janvier
2010
Elisabeth Dolet-Launay lit un
poème qu’elle avait composé pour Maurice :
A Maurice Lestieux
Connaissez-vous
la bonté même ?
La
bonté même, c’est un monsieur
Dont
le visage et dont les yeux
Etrangement
brillent, plus que gemme.
A
chacun de ses pas il sème
Des
étoiles, que l’on croit aux cieux.
Connaissez-vous
la bonté même ?
La
bonté même, c’est un monsieur
Partageant
chanson ou poème,
Il
suit chemin délicieux,
L’air
doux, miséricordieux.
On
le croise ? Aussitôt on l’aime !
Connaissez-vous
la bonté même ?
Elisabeth
Launay-Dolet 2006
Jean-François Blavin :
Je voudrais seulement évoquer
aujourd’hui une forme de complicité amicale que j’avais nouée avec Maurice
autour d’un personnage ayant vécu de 1330 à 1418, devenu légendaire, Nicolas
Flamel.
Maurice avait eu un sourire
joyeux, teinté d’espièglerie en découvrant que j’habitais à Paris, rue de Montmorency,
et il me parla sur le champ de la fameuse Auberge du dit Nicolas Flamel et de
dame Pernelle, sise à quelques pas de mon domicile.
Ce présumé alchimiste le
fascinait, il me révéla alors qu’il avait écrit une pièce de théâtre en 1984
consacrée à cette figure de l’histoire de Paris et me remit son manuscrit
intitulé « L’or de Dieu », avec en sous-titre « Le vray secret
de Nicolas Flamel ».
Je découvris alors cette belle
écriture théâtrale et, pour achever mon propos, je voudrais vous faire partager
deux citations extraites de son opus où l’on retrouve tellement et le poète et
l’homme d’interrogation philosophique.
Première réplique de Nicolas
Flamel à ceux qui l’interrogent :
« Il faut se lever. Il faut
partir comme les mages à la poursuite de l’étoile même si l’on n’arrive jamais.
Quelque autre, un jour, arrivera ».
Enfin, dernière réplique du
maître alchimiste : « J’ai réussi à purifier le métal, mais pas
encore à purifier l’homme ». (Jean-François Blavin)
Lisons enfin quelques poèmes de
Maurice. En voici trois, sur le thème du silence, récités en décembre 2000,
lors d’une rencontre chez Paul Farellier, autour de Maurice Lestieux et de
Katty Verny-Dugelay (qui nous a procuré les textes) :
Le poème
Car il est temps de faire silence
ou presque. Peu de mots
sur la page. Peu de lignes
sur l’œuvre. L’unisson
de la parole et du regard
enfin trouvé. Le voici
dans la nudité suprême
de la parole, le jaillissement
de la couleur offerte
comme un battement d’espace
un frémissement du cœur,
le poème. (Maurice Lestieux)
Silence
Silence est l’autre nom de la parole
et de l’infinitude de l’espace,
il nous fallut imaginer des mots,
recréer, sans erreur, le monde en le
nommant. Comme le peintre en la distance
inaugure la beauté du soleil.
Silence est l’autre nom d’éternité.
Seulement
L’enfant qui marche
dans les blés,
on voit seulement les épis
qui tremblent
un peu.
La mer qui danse
sous le vent
on sent seulement
le sel
des embruns précurseurs.
L’amour qui marche
dans le cœur,
on entend seulement
le silence.
Guy Chaty va nous lire « L’homme,
au milieu du monde », qui témoigne de l’humanisme de Maurice.
Maurice avait la foi chevillée au
cœur, et l’hommage que nous tentons de lui rendre serait incomplet si nous
n’évoquions pas la dimension chrétienne de ce poète. En témoignent ce passage
d’ « Un certain Simon de
Cyrène », lu par Bernard Fournier et enfin le poème « Le figuier et moi » (lu par Guy
Chaty), où l’assurance du retour est l’autre nom de l’espérance.
Béatrice Marchal, Présidente du Cercle Aliénor.