Compte rendu de la séance du 14 Décembre 2013:
Edmond Jabès,
recherches …
par
Didier Cahen
Photographie © Muriel Bergasa
La séance de décembre était donc
consacrée à Edmond Jabès et présentée par Didier Cahen, poète, essayiste, producteur radio et
notamment auteur de Edmond Jabès
publié chez Seghers en 2007 dans
la collection Poètes d’aujourd’hui.
Afin de nous faire découvrir
"le plus célèbre des inconnus", Didier Cahen nous propose de poser
quelques jalons biographiques et bibliographiques de celui qu'il considère
comme l'homme des ruptures. La première à sa naissance en Egypte en avril 1912,
né le 12, il ne sera déclaré que le 14. Ce décalage donnera naissance dans son
oeuvre à une incessante quête de son identité. De même s'il meurt à Paris le 2
janvier 1991, Gallimard inscrira comme date de décès dans sa fiche biographique
le 4 janvier. Il naît dans une famille italienne, de banquiers et surtout une
famille de culture française. Sa famille est juive mais d'une judaïté sociale
plus que spirituelle.
La seconde rupture surgira lors
de la mort de sa sœur dans ses bras, alors qu'il n'a que 12 ans. Il part alors
à la recherche d'une langue qui surgit à l'interstice de la vie et de la mort.
La troisième rupture surgira de
sa rencontre avec le désert. Parti à sa découverte en voiture, il se retrouve
en panne et ne doit sa survie qu'à un nomade. Cette nuit d'angoisse le force à
écouter le silence.
Il écrit un premier texte de
jeunesse Maman en 1927 qu'il reniera par la suite. En 1931 il publie Je
t'attends et parallèlement débute son engagement politique et éthique. En
1935 il se marie avec Arlette. Seule femme de sa vie, elle l'accompagnera
jusqu'au bout et décèdera quelques mois après lui. Cette même année il débarque
à Paris et rencontre Max Jacob qui deviendra son mentor.
En 1943 il publie Les chansons
pour les repas de l'ogre, texte qui laisse transparaître la figure et la
voix pleine de Jabès poète:
Je suis
à la recherche d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Guy Chaty a fait lecture de quelques textes
Photographie © Muriel Bergasa
La troisième blessure, la plus
violente sans doute sera celle en 1944 de la découverte des camps de
concentration. Il ne peut arriver à comprendre comment la langue allemande qui
a donné tant de poètes et d'artistes a pu véhiculer ces messages d'horreur et
de destruction. Face à la Shoah, il s'interroge sur sa propre judaïté, lui le
survivant et sur la langue, le langage poétique. Il se sent presque coupable
d'avoir survécu. Il part alors à la recherche d'une poésie inouïe avec Je
battis ma demeure, recueil rédigé entre 1943 et 1956 et publié par
Gallimard.
Ce questionnement métaphysique le
conduit à l'écriture du Livre des Questions en 1963 qui comporte au
total 7 volumes. Interviennent dans le récit une série de rabbins imaginaires
qui viennent répondre aux interrogations de Sarah et Yukel comme le souligne la
dédicace du livre:
Aux sources hautes de la vie et
de la mort révélées, À la poussière du puits, aux rabins-poètes à qui j'ai prêté mes paroles et dont le nom,
à travers les siècles, fut le mien ,à Sarah
et à Yukel, à ceux dont les chemins d'encre et de sang passent par les vocables
et par les hommes, et plus près à
toi, à nous, à toi.
Didier Cahen
Photographie © Muriel Bergasa
Enfin la dernière blessure sera
celle de l'exil. En effet il est forcé de tout abandonner lors de la crise du
Canal de Suez en 1957, en raison de son origine juive. À Paris il commence par
travailler dans une galerie de peinture puis comme juriste dans une entreprise
de publicité. Il contribue à la création d'un dessin animé Le petit Lion.
Cet éloignement de la terre natale tout comme les ruptures précédentes
l'invitent à repenser sa judaïté et à s'interroger sur son rapport à la
transcendance. Il part à la recherche de l'Autre, l'Etranger, lui même:
Nomade ou marin, toujours, entre
l’étranger et l’étranger, il y a – mer ou désert – un espace délinéé par le vertige auquel l’un et l’autre
succombent.
Voyage dans le voyage.
Errance dans l’errance.
L’homme est, d’abord, dans l’homme, comme le noyau dans le fruit, ou le grain de sel dans l’océan.
Et, pourtant, il est le fruit. Et, pourtant, il est la mer.
Voyage dans le voyage.
Errance dans l’errance.
L’homme est, d’abord, dans l’homme, comme le noyau dans le fruit, ou le grain de sel dans l’océan.
Et, pourtant, il est le fruit. Et, pourtant, il est la mer.
In Un étranger avec sous le bras un livre de petit format,
Gallimard, 1989.
Les assistants étaient nombreux à la Brasserie Lipp pour écouter Didier Cahen
Photographie © Muriel Bergasa
À la fin de cette présentation, Didier Cahen a pu répondre aux diverses
questions de l'assemblée notamment sur la réception de Jabès et sur ses liens
avec la peinture.
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