dimanche 20 novembre 2022

Samedi 12 novembre 2022: Maurice CHAPELAN, le grammairien amoureux, par Bernard FOURNIER

 

Maurice Chapelan, le grammairien amoureux

 

« Me voici, non pas ce que j’ambitionnais d’être, mais qui toujours me fascina chez plusieurs auteurs bien-aimés : un méconnu. »Rien n’est jamais fini p. 153

Eh bien moi aussi, je suis fasciné par cet auteur. Mais je ne dirais pas qu’il est méconnu. Il est tout simplement, inconnu.

Il faut alors parler de Maurice Chapelan pour qu’il ne demeure non plus cet inconnu.

J’avais lu son nom comme proche d’Audiberti avec qui il avait participé à la revue de poésie, Le Beau navire avant la seconde guerre mondiale.

J’appris peu après qu’il écrivait sous le pseudonyme d’Aristide une chronique de grammaire au Figaro. Je dois avouer que la grammaire n’est pas de mes lectures les plus assidues, non plus que ce quotidien-ci ; tous les deux avaient des soupçons de conservatisme qui ne pouvaient que m’effrayer et m’éloigner du personnage.

Il a fallu que je découvre sur la table de la romancière amie Jeanne Cressanges un livre écritsur Maurice Chapelan, en anglais, par Mme Munro-Hillprofesseure de français à l’Université de Hull en Angleterre. Ainsi donc, il faut que ce soient les Anglais qui nous fassent connaître l’un des spécialistes les plus fameux de notre langue…Nul n’est prophète en son pays.

J’ai donc voulu en savoir davantage sur ce grammairien et j’ai appris que cet auteur étaitun joyeux drille bon vivant et pour rabelaisien. Pour tout dire, un grammairien amoureux.

Mais je découvre aussi qu’il est romancier, mémorialiste, critique littéraire, traducteur et surtout poète. Maurice Chapelan se désigne lui-même, en singeant les Évangiles, comme le diable, « Dieu en trois personnes », à savoir le poète sous son propre patronyme, le grammairien sous le nom d’Aristide et l’auteur de romans érotico-comiques sous le nom d’Aymé Dubois-Jolly.

 

Je me propose de vous faire entrer un peu dans cette œuvre inconnue en suivant la trace de l’amour. Amour des femmes, amour de la littérature, amour de la langue. Pour tout dire amour de la vie.

Le mémorialiste

 

Le mieux est peut-être de commencer par le mémorialiste qui nous donne de riches renseignements sur sa vie. Il a en effet écrit quatre volumes de mémoires dont la publication s’étale sur vingt ans :

Main courante, 1957 ; Lire et écrire, 1960 ; Mémoires d’un voyou, 1972 ; Rien n’est jamais fini, 1977

C’est ainsi qu’on apprend qu’il naît à Valence, le 1er janvier 1906.

Son père est directeur d’agence de la Banque de France ce qui l’oblige à changer de domicile tous les quatre ou cinq ans. Il est peintre pour ses loisirs.

Sa mère ne travaille pas mais écrit du théâtre et de la poésie ; elle est belle et fêtée dans la bonne société de son mari.Elle donne le prénom Maurice à son fils par référence à Barrès, Maeterlinck et Rostand pour qu’il devienne écrivain.

Mais entre eux le désaccord est total ; elle ne l’aime pas et lui prend pour maîtresse la bonne. Entre les deux, l’enfant est gâté, c’est-à-dire, comme il le dit lui-même « abîmé ».

« J’ai connu de la famille ce que ce mot peut renfermer de laid, et parfois d’odieux. La douceur du foyer, jamais. Petite enfance heureuse, oui, mais dès douze ans mon cœur a saigné. « Rien n’est jamais fini, p. 184

 

Il raconte des scènes prenantes dans ses autobiographies, notamment la solitude de l’enfant face aux querelles de ses parents. Écoutons un autre extrait de Main courante, 1957 qui dit assez le désarroi de l’enfant solitaire à la table familiale :

« Sept ans : Il me souvient d’une vaste salle à manger provinciale, haut lambrissée et tendue d’une morne soie, où s’achevait silencieusement le repas du soir après une fulgurante querelle. Je regardais mon père. Tête basse et feignant de parcourir le journal, il mastiquait avec une hyperbolique lenteur. Sur son crâne chauve, qui m’apparaissait énorme, le gaz faisait flamboyer les flaques de pourpre que venait d’y allumer la colère. Ma mère, qui n’avait plus le courage de manger, tournait vers moi sa lassitude et soulevait, en manière de caresse, une mèche obstinée à retomber sur mon front. J’avais hâte de m’enfuir à la cuisine, y chercher un refuge auprès de la bonne, car les servantes tiennent une grande place dans l’existence des petits garçons dont les parents ne s’entendent pas. » Main courante, Grasset, 1957p. 157-158.

Vous avez noté, dans cette dernière réflexion la référence à Baudelaire de la « servante au grand cœur dont vous étiez jalouse ». C’est souvent avec discrétion que Maurice Chapelan distille son érudition.

On va entendre un autre extrait qui exprime également le désarroi de l’enfant cette fois, quand il est seul le soir dans son lit dans la vaste maison, logement de fonction du directeur de la Banque de France, destiné à donner des réceptions :

« Dans cette chambre de mon père, je connus les peurs bleues de l’enfance. Une fois par semaine, mes parents allaient au cinéma. Ces soirs-là, dès que j’avais recueilli l’ultime bonsoir qui tombait des lèvres d’Alice, je me savais perdu. Dans le bout de l’aile de la grande maison, au fond de la nuit que le silence du jardin rendait plus noire, à l’étage il n’y avait que moi de vivant. Ma grand-mère ne m’était d’aucun secours ; elle couchait trop loin, là-bas, du côté de la rue et ses lumières, séparée de moi par les tranches de ténèbres qui peuplaient la cuisine, le corridor de l’office ; et le voisinage de la bonne, endormie au-dessus du plafond, ne me rassurait pas. J’étais seul avec le poêle de faïence, dont la flamme faisait danser les meubles et lever sur les murs des ombres. Parfois un oiseau de nuit s’ébrouait contre les persiennes, une plinthe craquait, un soupir montait du jardin… Alors la peur m’envahissait, une peur imprécise, animale, qui se nourrissait de ses fantômes. La proximité de l’escalier en colimaçon, plongeant jusqu’au salon d’été ses marches obscures, proposait à mon délire je ne savais quel poulpe qui rampait silencieusement vers mon lit. Pour combattre le maléfice, je me tenais recroquevillé, la tête enfouie sous le drap. Étouffant, ruisselant, je baignais bientôt dans une étuve. Après des siècles, dans l’épaisseur de mon angoisse, le gémissement d’une porte, ouverte avec précaution pour ne pas me réveiller, anéantissait les monstres et livrait passage aux bons génies. » Main courante, p. 162-163.

 

Après des passages à Lunéville et Saumur, la famille atterrit à Saint-Lô, dans la Manche, en 1913.

À l’arrivée de la guerre, l’enfant est envoyé, demi-pensionnaire, chez un Oratorien. Les mœurs des religieux ayant charge d’enfant sont ce qu’en disent de nombreux témoignages aujourd’hui. À l’époque, on ne disait encore rien. Maurice Chapelan n’en parle qu’en 1972, à 66 ans : « Il me paraît remarquable que les enfants subissent en général sans révolte ce genre de viol et qu’ils en gardent le secret pour eux » Mémoires d’un voyou, Grasset 1972, p. 92. Cet épisode prend encore davantage de sens aujourd’hui.

Ces exactions sexuelles, l’ont marqué à vie : dans nombre de ses livres, il dénonce la morale bourgeoise et les mœurs de l’Église.

Pour échapper à ce monde hostile : parents qui se disputent et éducateurs violents, l’enfant se réfugie dans la lecture. C’est un grand lecteur. À cela s’ajoute une santé fragile : « Toute une partie de ma culture, peut-être la meilleure, c’est à l’asthme que je la dois » dit-il dans Main courante, p. 170. Et en 1917, comme si cela ne suffisait pas, il est atteint aussi par la grippe espagnole.

Les études, cependant, l’ennuient : « Par les fenêtres de la classe, je voyais une rangée d’acacias et le ciel normand gonflé par le vent de la mer ; j’enfourchais le premier nuage et me perdais dans d’immenses rêveries » Main courante, p. 58 C’est un élève dissipé, souvent puni et qui fait l’école buissonnière. Dans sa solitude il se réfugie encore dans les livres : « C’est ainsi qu’à dix ans Corneille, Racine, Hugo, Vigny devinrent les consolateurs » Main courante, p. 58. Il découvre aussi les œuvres érotiques de Pierre Louÿs.

Il raconte quel fut cet enfant à qui il s’identifie encore à 70 ans dans un poème qu’il publie dans ses mémoires et qu’il signait du nom de Charles Mouron dans sa revue Le Beau navire en 1939. Si le prénom de ce pseudonyme est une référence à Baudelaire, le patronyme peut s’entendre comme le verbe « mourir » ou comme l’herbe qu’on donne aux oiseaux, qui montre le désespoir de l’enfant et son l’attrait pour la nature.

 

Onze ans

 

Le jardin de mon enfance

repose dans ma mémoire

comme une ville au fond d’un lac

si j’entends son appel de cloches

je regarde par transparence

 

les fantômes de mousse

les capuchons de nuit

la vasque sous le lierre

où noircissait la pluie

les soleils tissés dans les branches

 

sur les ardoises miroitantes

les clochers si loin dans le temps

mêlent en les éparpillant

les larges vols noirs des corneilles

aux colombes des angélus

 

oiseaux des soirs fleurs des matins

vent de mer cornac des nuages

êtes la voix et le visage

de ce domaine qu’interrogent

mes yeux devenus étrangers

 

car je suis ton frère en exil

enfant d’alors qui recueillais

la goutte d’eau des capucines

pour la fillette des jeudis

enroulant sa tresse à tes jeux

 

et quand le soir l’avait reprise

seul sur d’invisibles pelouses

qui savourais à mains ouvertes

l’air de cendre des crépuscules

et la pluie molle des ténèbres

 

je vois plus tard à cause d’elle

ta joue en pleurs sur la margelle

mais ton visage au fond du puits

tu l’effaças à coups de pierres

c’était lui qui te regardait Rien n’est jamais fini, 1977, p. 263

 

Mais très vite Maurice Chapelan se tourne vers l’amour. En l’occurrence, à cet âge, la petite Simone.

 

Petite fille

 

Petite fille d’autrefois

en ce temps-là c’était la guerre

les enfants n’avaient plus de père

je revois tes cheveux tes yeux

et le large ruban bleu

de ta robe des dimanches

 

tu me suivais tu me suivais

loin des garçons et des filles

pour toi je cueillais des mûres

je volais des pommes

quand nous courions par les champs

mon cœur battait sous tes doigts

 

maintenant je t’imagine

tu es giletière

dans une ville du Nord

au bord de la mer

tu souris aux matelots

celui que tu aimes est en Chine

 

les nuits de sirène et de brume

sur ton lit bien éveillée

tu regardes le mur noir

où passe l’œil crevé du phare

tu te souviens tu te souviens

du petit garçon qui t’aimait. Rien n’est jamais fini, p. 263

 

Ce poème a lui aussi paru dans la même livraison de 1939 de la revue LeBeau navire, sous le même pseudonyme de Charles Mouron. Il le reprend dans le deuxième tome de ses mémoires Rien n’est jamais fini. C’est dire si le poète ne renie ni ses amours ni ses poèmes.

 

Reprenons le cours de cette vie.

Nous arrivons après la première guerre mondiale.

Après Saint-Lô, en 1919, le père est nommé à Sète. Si le jeune homme est ébloui par la mer, il souffre bien plus du climat qui lui convient mal : il a de terribles crises d’asthme.

À la rentrée, les parents ne voulant plus de cet enfant décidément insupportable chez eux, l’envoient en Aveyron dans un collège religieux -sous l’influence de sa mère devenue dévote- au collège Saint-Gabriel de Saint-Affrique.Dans ce pays les hivers sont rigoureux avec beaucoup de neige ; et pourtant il n’y avait pas de chauffage ni d’eau courante ! L’hygiène n’est pas vraiment une préoccupation : on se lave les pieds trois fois par an et on prend un bain une seule fois dans l’année. Les latrines sont d’une saleté repoussante. Les enfants ont froid et faim.

La souffrance est aussi morale avec le poids des rites religieux, messes, prières, confessions, culpabilisations, processions, etc. Il dénonce encore les mœurs des séminaristes pédophiles. Lui-même est tenté par l’homosexualité.

 

Malgré cette atmosphère, l’enfant se met alors, paradoxalement, à bien travailler : « C’est ainsi qu’après avoir été un cancre à Saint-Lô, je m’étais mis, en quatrième A, à travailler comme un ange. De ce point de vue le système avait du bon. Et je possédais la clé d’un refuge où personne ne pouvait me suivre. Je savais m’ouvrir les portes d’un univers intérieur, dans lequel la réalité pénible qui m’étreignait devenait improbable, et réel ce qu’il me plaisait d’imaginer. Je me défendais par le rêve » Main courante, p. 109.

Revenu à Sète il fait souvent l’école buissonnière et sa philosophie au collège de la Trinité à Béziers, d’où il est renvoyé pour être allé au théâtre ; ce qui ne l’empêche pas d’être finalement reçu bachelier latin-grec-philosophie en juillet 1924 à 18 ans.

Surtout, malgré sa petite taille, ses pantalons courts et son cartable sous le bras, il est pris par ses activités de séducteur.

 

Et, à côté des femmes, sa grande affaire, c’est la littérature ; il parvient à publier son premier poème, un sonnet, dans une revue intitulée Montpellier dont je retiens la chute :

 

Et, que l’on soit cigale ou simplement grillons,

L’illusion du vers, bon ou mauvais, est telle,

Qu’à travers un sonnet la vie est toujours belle. Main courante, p. 169

 

Ce dernier vers, surtout, sonne comme une prophétie.

 

Le jeune homme se rend ensuite à Toulouse pour étudier, le droit, bien sûr, antichambre de la littérature, et là, durant deux années, il éprouve enfin la liberté ; il en profite pour collectionner, on le devine, les relations féminines. Il lui arrive d’avoir deux ou trois maîtresses en même temps et se complique la vie à ne pas les faire se rencontrer !

Bien sûr il échoue à sa première année qu’il passe « dans un état d’imbécilité satisfaite » dira-t-il plus tard dans Main courante, p. 204

L’auteur hésite entre un sentiment de vacuité, voire de culpabilité et celui, plus honorable, de fierté devant sa philosophie hédoniste : « Ainsi étudiais-je sans m’en percevoir, parce que je n’obéissais qu’à mon plaisir. En toutes choses, le plaisir est la meilleure école ». Main courante, p. 241

Son père, exaspéré, lui trouve un emploi à Mont-de-Marsan, bien sûr à la Banque de France. Il passe surtout son temps, de nouveau, à collectionner les aventures féminines et à compléter ses lectures. L’amour et la littérature se constituent comme les fondements de cette jeunesse.

Et c’est surtout un révolté contre la morale bourgeoise de ses parents et des institutions. Il découvre alors Rimbaud et son timbre poétique. Et pour les amours, il dévore les contes libertins du XVIII° siècle. Le plaisir est son maître mot. Que ce soit dans le libertinage ou la littérature, il ne s’est jamais laissé guider que par son propre désir.

 

Il se met alors à écrire une pièce de théâtre et un roman, Sylvère,avec les conseils d’un ami poète Maurice Rey, ami que l’on retrouvera plus tard ; le roman est refusé par Grasset (ironie du sort, on le verra plus tard). Il le publie à compte d’auteur en 1930, grâce à l’argent de son père, aux éditions de la Revue mondiale.

Le mémorialiste en retire, après coup bien sûr, l’avant dernière phrase : « Jeunes femmes blondes et libres qui passèrent, ne sachant qu’aimer, l’offrande de vos corps, dont la volupté seule était l’âme, enchanta quelques heures de ma vie » qu’il commente ainsi : « J’étais fier de cette ‘musique’, je me barbouillais de cette marmelade. A vingt-deux ans, je croyais que pour écrire il fallait ‘faire de la littérature’. À quarante ans, j’ai compris qu’il s’agissait du contraire : qu’il faut se garder de la ‘littérature ‘ comme une peste ». Main courante ; p. 236

Mais il rêve de Paris, sans trop savoir ce qu’il trouvera.

C’est ainsi qu’il devient homme de lettres.

 

L’homme de lettres

 

Comme tout provincial, Maurice Chapean n’a de cesse que d’espérer un avenir meilleur à Paris pour se lier avec d’autres écrivains et entrer ainsi dans le monde littéraire.

À l’été 1930, il est accueilli chez Maurice Rey, cet ami qu’il a connu à Pau ; il trouve un travail dans une compagnie d’assurance qu’il ne garde pas. Il partage alors son emploi du temps entre le musée du Louvre, la bibliothèque Sainte-Geneviève. Mais il crève la faim. Il dira plus tard : « J’ai vécu six années cadavre. Seulement je continuais par habitude -par hébétude- à faire assez bonne figure en société » » Rien n’est jamais fini, Grasset, 1977, p. 17.

Cependant l’écriture le ronge toujours et il met au point une nouvelle pièce de théâtre sur son expérience de démarcheur d’assurance-vie et aussi un article intitulé « Cinéma paradis artificiel ». L’un et l’autre demeurent inédits.

Et il poursuit ses conquêtes amoureuses dont l’une sert de modèle à Bernard Grasset, l’éditeur qui est aussi peintre amateur qu’il ne connaît pas encore. Où revient encore une fois ce nom qui tiendra une si grande place dans la vie de Maurice Chapelan. Il vit, dit-il, « logé, nourri, blanchi aux frais d’une maîtresse adorable, n’étais-je pas comme un coq en pâte ? » Rien n’est jamais fini, p. 127 La simple interrogation en dit assez sur le remords du mémorialiste qui se penche sur sa jeunesse.

Cette période, de nouveau, est tout entière vouée aux femmes et à la littérature.

Il poursuit aussi ses lectures : Baudelaire, Pascal, Montaigne, et Littré. Puis il y aura La Bruyère, Stendhal, Joubert, Jules Renard, Gide, Valéry, Lichtenberg, Montherlant, Chardonne et Jouhandeau, chez qui on reconnaît des maîtres de style.

Ayant épuisé tous ses sursis, il est requis, en 1931, pour le service militaire, à Ajaccio. Après un temps à la citadelle, le voilà nommé à la bibliothèque des officiers. Il passe son temps à rédiger une conférence sur Lorenzo Vero, poète et philosophe. Il est antimilitariste mais parvient à se faire bien voir de ses supérieurs. Jusqu’à séduire la femme d’un haut gradé !!!

Dès son retour à la vie civile, il s’emploie à trouver une nouvelle maîtresse.

À propos de ses amours tumultueuses le mémorialiste il a ce mot : « Longtemps j’ai cru que l’amour serait mon refuge, mais la femme inconstante (j’en avais de bonnes !) nous oblige de guérir sans cesse l’amour par l’amour. Cette agitation des sens et de l’âme les use vite. » Rien n’est jamais fini, p. 184. Maurice Chapelan corrige cette assertion, quand il se relit, dans le sens d’une plus grande vérité par rapport aux femmes, pas plus inconstantes que lui… Il se vante d’avoir eu quatre maîtresses en même temps !! Deux sont enceintes pour qui il paie l’avortement. On peut juger aujourd’hui que ce ne fut pas un être recommandable !!! L’un de ses titres s’appelle fort justement Mémoires d’un voyou.Son mariage, en 1039, avec la veuve de son ami Maurice Rey mettra fin définitivement à ses multiples et orageuses conquêtes.

Ainsi, au moment où il sort de sa vie de patachon, il entre vraiment en littérature par le biais d’un groupe de poètes qui se réunit à la librairie « Le balcon » tenue par Philippe Chabaneix ; là il fait la connaissance de Francis Carco, Vincent Muselli, Léo Larguier, Luc Estang, Maurice Noël du Figaro et du peintre Olive Tamari.

C’est ainsi qu’il fonde Le Beau navire qui sort son premier numéro le 1er novembre 1934 et qui aura six livraisons jusqu’à juin 1935.

Il publie des poèmes et des articles dans la revue La Muse française, et avec eux s’enchaînent les relations : ainsi Henri Clouard qui le conseille à Bernard Grasset de qui il devient le secrétaire en 1934. Voici enfin le personnage qui l’approche depuis si longtemps.

Mais c’est un personnage difficile, entre les deux, les brouilles sont fréquentes mais l’amitié, cependant, tenace.Il en fait un portrait terrible 

 

« Singulier secrétariat ! Mon rôle n’y fut, en vérité, que d’un monsieur de compagnie, dont Grasset, incapable de rester longtemps seul avec lui-même, éprouvait le besoin névrotique. J’avertis que ce que je vais avoir à dire concerne l’homme intime autant que l’éditeur et l’écrivain. J’en parlerai, comme je fais toujours pour tous et pour tout, avec une exactitude scrupuleuse. Puisse ce portrait décousu, à petites touches prises d’après nature, aider à mieux comprendre le caractère d’un être exceptionnel, dont j’ai gardé un souvenir où l’admiration, l’agacement et une sympathie apitoyée se coudoient. […] Il savait jouer étonnamment de son charme et assener aux gens des compliments excessifs, dont il ne pensait pas un mot. Ainsi d’une muflerie légendaire […] Il ressemblait à la fois à Bernanos et à Hitler, son visage faisant pour ainsi dire maillon entre les deux. » Rien n’est jamais fini, p. 220

« Bernard Grasset […] souffrait depuis l’enfance d’une névrose parait-il incurable, qui le rendait hypocondriaque, autodestructeur, boulimique, dépressif et sadique. » Rien n’est jamais fini p. 228

« Je couchais dans une petite chambre voisine de la sienne, à la porte toujours ouverte, d’où je pouvais apercevoir son lit du mien. […] Quand nous fûmes devenus assez intimes, je lui répondais du tac au tac et nos engueulades prirent parfois des proportions énormes. » Rien n’est jamais fini, p. 223

 

Il corrige par la suite ce portrait charge : « La spontanéité de Bernard Grasset, si mufle parfois fût-elle, faisait partie de son charme, car il passait alors dans son sourire et dans son regard un éclair de malice enfantine qui désarmait la rancœur. […] C’était un homme du XVIII° siècle, un nostalgique de l’Épitre au Roi, qui n’eût de goût véritable que pour ‘les chemins de l’écriture’ […] et le libertinage » p. 235

« Mon ecce homo n’a d’autres dessein de mettre en évidence son martyre et par conséquent son excuse. J’ai eu de la sympathie, voire de l’amitié et surtout de la pitié pour cet homme. » Rien n’est jamais fini, p. 231.

Mais Grasset, c’est surtout un éditeur, et Maurice Chapelan nous informe sur la manière très peu orthodoxe avec laquelle il acceptait ses auteurs : « Il est exact que Grasset, à l’occasion un peu sorcier, fondait parfois son opinion sur des signes, invisibles aux autres, où ceux de l’encre n’entraient pour rien. Ce qui n’allait jamais sans sa connaissance personnelle de l’auteur, ou de quelqu’un qui sût lui en parler, à moins qu’il s’agît plus simplement de l’idée qu’il se faisait du contenu d’un ouvrage sur la seule foi du sujet ou du titre. » Rien n’est jamais fini, p. 243.Et d’insister ensuite pour dire tout le bien qu’il pense du moraliste qu’il fut.

C’est surtout, pour Maurice Chapelan, un éditeur à l’ancienne mode. « Je ne crois pas trahir un bien grand secret en révélant que beaucoup de ses auteurs, et non des moindres, sont fidèles à sa personne plus qu’à la firme qu’il dirige, et font spécifier dans leurs contrats que c’est à lui qu’ils se lient et non à elle. Le trait est unique dans l’histoire de l’édition. » Rien n’est jamais fini, p. 232

 

Bernard Grasset le présente à son neveu Bernard Privat avec qui le courant passe immédiatement, et le voilà entré dans la maison d’édition.

À partir de ce moment, Maurice Chapelan devient un homme de lettres. Homme de lettres, c’est-à-dire un écrivain, bien sûr, mais un homme qui se préoccupe de littérature.

Maurice Chapelana déjà effectué, depuis près de quarante ans, un immense travail de lectures et d’écriture qu’il va mettre au jour.

C’est un lecteur infatigable et un grand travailleur. Outre son emploi très prenantde secrétaire de Bernard Grasset, il compile deux anthologies qu’il publie au sortir de la guerre :1946, Anthologie du poème en prose, Julliard et en 1947 Anthologie du journal intime.

Cette dernière anthologie nous fait découvrir de nouveaux auteurs et Maurice Chapelan nous offre une préface qui vaut qu’on en dise quelques mots.

Voici ce qu’il dit du poème en prose, ce nouveau genre apparu depuis Aloysius Bertrand, Rimbaud et Baudelaire : « L’importance de leur conquête (sans rime), parfois méconnue et presque toujours incomprise, mérite que nous fixions un peu nos regards sur elle. Cela va nous permettre de voir comment, aux circonstances matérielles que nous avons exposées et qui composèrent un climat favorable à l’art nouveau, s’en ajoutèrent de plus profonds -c’est-à-dire toutes spirituelles. » Anthologie du poème en prose, 1959, p. 19

Nous le verrons plus loin, l’exercice de la poésie, chez Maurice Chapelan, ne se départit pas d’une recherche métaphysique.

Voici les auteurs qu’il choisit : Maine de Biran, Benjamin Constant, Henri Beyle, Alfred de Vigny, Eugène Delacroix, Eugénie de Guérin, Maurice de Guérin, Henri-Frédéric Amiel, Marie Bashkirtseff, Isabelle Leseur, Marie Lenéru. Comme on l’entend, si les premiers auteurs (quoique) sont connus, les deux derniers, les deux dernières, je devrais dire, mettent à l’honneur des femmes, ce que l’on comprend bien chez cet homme amoureux.

Et dans la poésie, plus encore peut-être que dans la métaphysique, c’est la confession qui l’intéresse : « Ceci éclaire l’opinion que j’ai, que les romans (« Madame Bovary, c’est moi », disait Flaubert) et les recueils moralistes sont, en dépit de leur apparente objectivité et pour qui sait les lire, la forme la plus intime de la confidence. » Anthologie du journal intime, Laffont, p. 41. Pourtant Maurice Chapelan n’a pas lui-même publié de journal intime ; il s’est contenté de l’autobiographie, genre peut-être plus sincère à ses yeux.En réalité, quand il creuse, lui aussi ce sillon de l’aphorisme, il voit bien qu’il ne parle que de lui, comme les autres font.

Après ces deux volumes et du fait de son amitié avec Bernard Grasset, en 1939, il devient Directeur littéraire de sa maison d’édition. C’est dire que cet homme de lettres qu’il est devenu est monté sur les plus hautes marches et qu’il est maintenant un homme influent. Ce que confirmera son entrée au Figaro comme critique littéraire un peu plus tard.

 

Entre temps Maurice Chapelan a développé un goût pour l’écriture brève, maximes, aphorismes et autres pensées. Il a, dans ce domaine, consacré un ouvrage à Sainte-Beuve, à ses pensées et maximes en 1954.

Il s’est lui-même essayé à cette écriture avecAmoralités familières, Grasset, 1964. Notons bien le titre qui s’inscrit évidemment dans le droit fil de sa critique de la morale bourgeoise. On peut penser bien sûr que c’est parce que l’écriture d’un roman lui prendrait trop de temps qu’il se réfugie dans cette écriture aphoristique. Sans doute, mais à bien y réfléchir, c’est surtout l’exercice contraignant de la brièveté, de la formule, du jeu de mots qui l’intéresse. Il s’inspire du mot de Joubert : « Le calembour lui-même est une espèce de poésie : il a son jeu. » Amoralités familières, p. 11

 

Voici quelques exemples :

« Comment mépriser les hommes et accepter les honneurs ? il faut mépriser les honneurs et accepter les hommes », Amours amour p. 95

« Il faut cultiver l’art difficile d’être mécontent de soi » pAmoralités familières. 20

« Il faut prendre la belle au bain » Amoralités familières 65

« Faire du mieux avec du neuf » Amoralités familières 68

« Miroir d’eau nous fait cygne, miroir digne nous fait sot » Amoralités familières 73

« Je n’ai Dieu que pour vous » Amoralités familières 95

 

En effet, s’il se déclare « Mauvais mémorialiste », il aime la forme brève : « Ce que je suis en train de vivre, dit-il, me retient davantage que ce que j’ai vécu ; le journal et les pensées sont ma forme d’expression la plus naturelle. »Rien n’est jamais fini p. 137

Et dans ses maximes et pensées, son attrait principal est la langue.

C’est ainsi qu’il devient grammairien.

 

Le grammairien

 

C’est le début de cette incroyable carrière de grammairien à laquelle rien ne le destinait.

Cela ressemble à un canular car Maurice Chapelan débute sa chronique grammaticale un 1er avril 1961. Un recueil sera publié en 1989 : La langue française dans tous ses débats.

Arrêtons-nous un instant sur ce curieux grammairien. En effet, il n’est pas agrégé de grammaire comme Étiemble ou Léopold Sédar Senghor. Il n’est pas un linguiste patenté. Il n’a aucun diplôme.

Du reste, il le dit lui-même : « Longtemps mon esprit a été une terre ingrate, qu’il m’a fallu un acte de foi pour cultiver » Amours amour, p. 107.

 

« Comment suis-je devenu grammairien, sans aucun diplôme de spécialiste ? Par amour. J’ai appris le français, à mon insu, dans les bons auteurs, en particulier ceux du XVIII°, dont la bibliothèque de mon grand-père paternel était abondamment pourvue, déjà tout émerveillé, à quinze ans, autant des polissonneries que j’y pouvais découvrir, par la clarté, la désinvolture l’élégance, et je ne savais pas encore me formuler quelle rigueur logique dans l’architecture des phrases, qui imprimèrent en moi leur marque… Ce n’est que beaucoup plus tard, à partir de vingt-cinq ans, que la lecture des grammairiens me passionna et que je fis l’acquisition du Littré. Celui-ci et celles-là me servirent, bien entendu, à en savoir davantage, mais surtout à approfondir le plaisir que je prenais aux lettres, et je les lisais comme toujours j’ai continué de faire, avec gourmandise.

Cette connaissance de notre langue, fondée sur l’amour - amour et connaissance qui ne cessent de s’accroître l’un par l’autre – finit par mûrir en moi un grammairien qui s’ignorait, que soudain Maurice Noël, rédacteur en chef du Figarolittéraire, devait mettre au jour en me demandant, ce qui d’abord m’effraya, d’assurer la chronique que je tiens maintenant depuis vingt-sept années, sous l’excellent titre Usage et grammaire, qu’il trouva lui-même. C’est alors que, devenu grammairien du « jeudi », il fallut me mettre à cultiver pour de bon, je veux dire plus méthodiquement, un art - car son principal intérêt, à mes yeux, est d’en être un - qui jusque-là n’avait été pour moi qu’un délicieux violon d’Ingres. Au vrai il l’est resté.

À l’inverse de mes illustres confrères, dont la formation universitaire et la science dépassent de beaucoup les miennes, mais qui ont parfois le tort d’oublier que la grammaire est aussi un solfège, j’enfile volontiers la venelle sous le moindre prétexte langagier, et mes chroniques sont des flâneries qui m’amusent avant d’amuser, du moins me l’écrivent-ils, la plupart de mes lecteurs. Ce délayage n’en contient pas moins, à chaque fois, l’élucidation d’un point de grammaire ou de syntaxe, qu’il rend ainsi plus agréable à avaler. J’espère même que de la sorte l’efficacité en est plus grande.

En somme je suis un grammairien homéopathe. » Débats intro.

 

Je ne résiste pas à vous faire écouter un extrait d’une chronique choisie parce qu’elle a rapport avec un thème très cher à notre auteur, je veux parler des femmes :

 

« Amener, emmener :

Si l’emploi du verbe amener n’est pas conforme à l’étiquette, saisissons l’occasion d’ajouter que le verbe  mener et ses composés  amener, emmener, s’entendent des personnes ou des animaux, et ne doivent pas plus être confondus entre eux, qu’amener avec rapporter ou emmener, avec emporter, qui se disent des choses : on apporte des fleurs à une dame ; onl’emmène ensuite au restaurant, ;enfin, si l’on peut, on l’amène chez soi ; et parfois, le lendemain, s’aperçoit-on qu’elle a emporté notre portefeuille – ou souhaitons-nous que le diable l’emporte ! (La femme, dans ce dernier exemple, étant assimilée à une marchandise encombrante.) Quant à la grammaire, voyez où elle nous mène : à écrire un véritable petit roman, très moral. » Débats, p. 153

 

« Culottes : Je vais vous faire, une fois de plus, un petit sermon. Pas sur la montagne : sur le delta. Pas celui sur le Nil, mais du nid : « une femme a l’importance d’un nid entre deux branches », a dit Jules Renard.… Sermon tout grammatical, bien entendu. Il va s’agir, en effet, du singulier pluriel qu’est décrire culottes avec un s, voire une paire de culottes, même s’il n’est question que d’une ; […] Ces considérations, mes très chères sœurs, ont dû vous paraître rétro. Aujourd’hui vous portez des slips (mots anglais qui signifie glisser, avec une connotation de ‘favorable à la chute’). Ou mieux, ou qui pis est, des cache-sexe (mot invariable). André Gide, qui s’y connaissait … mais oui ! …l’a défini ainsi : ‘… une feuille cache-sexe dont la tige passant entre les feses, rejoint par derrière la ficelle qui sert de ceinture.’ Il reste néanmoins vrai, en dépit ici des apparences, que les secrets de la lingerie féminine, comme ceux de l’amour et de la guerre, s’apprennent mieux sur le terrain que dans les livres. »

 

Voici quelques autres petites perles glanées ici ou là : La langue dans tous ses débats :

« Il faut être impitoyable lorsque que la clarté de la langue française est en jeu » (La Langue dans tous ses débats, p. 66

« il suffit, grammaticalement, d’être assez nombreux et de persister assez longtemps à avoir tort pour finir par avoir raison » Débats p. 96

« Le purisme absolu n’a sa raison d’être que chez l’écrivain qui s’en fait une esthétique, ou mieux une poétique, comparable aux règles de la versification, à cause de la fécondité qu’il reconnaît à ce genre de contraintes. Autrement dit, il n’accepte l’obstacle que parce qu’il est convaincu que celui-ci est un stimulant pour le saut. Et à contrario, ne voit-on souvent aujourd’hui, en poésie, que l’absence totale d’obstacle stimule surtout – le sot ? » Débats p. 175

« S’il y a presque toujours un curieux, voire un passionné de grammaire, chez tous les grands artistes du verbe, prosateurs ou poètes, il n’y a presque jamais un écrivain digne de ce nom chez les grammairiens professionnels. […] On dirait, en ce qui concerne la morphologie et la syntaxe, que de posséder à fond la science ou l’usage sont deux notions qui s’excluent. En d’autres termes, l’écrivain, tout en usant de la grammaire, en abuse et parfois la viole : où l’on voit que, ce faisant, il lui fabrique un avenir et donne une bonne partie de leur raison d’être aux grammairiens et aux linguistes. » Débats, p. 197-198

« Quand il se perd une nuance de langage, il se perd une nuance d’âme ; toute défaite de la syntaxe est une défaite de l’esprit. Ceux qui luttent pour que l’esprit vive doivent donc dresser leurs barricades autour du langage, qui est le cœur même de que qu’ils défendent. Par exemple, maintenir l’imparfait du subjonctif, c’est défendre, sinon parfois la beauté, du moins toujours la vertu – une certaine vertu. » Débats p. 215 (autocitation de 1957)

« Variété, souplesse et vie. Ces trois mots me touchent, car ils nous rappellent, ce que trop de grammairiens oublient, que la grammaire est aussi -est d’abord, dirait le poète- un solfège. » Débats p. 216

« J’implore les académiciens français de voter d’urgence la suppression de ce terrifiant accord : quand le participe passé se conjugue avec avoir – et même avec être. Quoi ? Eh oui, mes chers et illustres confrères, celui-ci aussi, si facile, est en train de foutre le camp. Pour nos étrennes, par pitié, débarrassez-nous de ces moribonds ! On achève bien les chevaux. » Débats, p. 223

« Les règles sont faites pour être violées […] un écrivain doit connaître la grammaire comme un escroc le code » (entretien avec Bernard Pivot 28/05/1975)

 

Vous voyez qu’il a des opinions tranchées et que ce n’est pas un grammairien farouche. Ou alors pourrez-vous penser qu’il est trop laxiste. Je vous engage à parcourir ses textes de La Langue dans tous ses débats qui reflètent bien ses prises de position pas si lénifiantes que cela.

Ce qui domine chez Aristide, c’est l’amour du langage. Amour, vous l’aurez compris qui est le maitre mot de toutes ses activités littéraires.

 

L’amoureux

 

L’amour est en effet la grande affaire de sa vie, surtout dans sa jeunesse, on l’a vu. Mais ce thème va nourrir nombre de ses écrits.  C’est ainsiquele grammairien offre un nouveau visage, plutôt incongru, celui d’un libertin.

De nombreux titres de Maurice Chapelan tournent souvent autour de ce thème : Amours, amour, Amantes en abîme, Amoroso, par exemple. Il a sa philosophie : « Moi qui ne suis pas un métaphysicien, mais un moraliste, je déclare que la volupté, au même titre que l’ascétisme -dont je suis un partisan convaincu à mes heures- est un devoir du corps envers l’esprit. » Rien n’est jamais fini, p. 19

Et de fait, dans ses autobiographies, une très large place est consacrée à ses relations féminines, on l’a vu, qu’il avoue être très nombreuses, même s’il ne s’attarde que sur deux ou trois qui l’ont beaucoup marqué.

 

Mais l’amour, à ce moment, se vit surtout dans les lettres. Vous allez entendre deux poèmes d’amour qui en réalité n’en forment qu’un seul. Maurice Chapelan explique que la première partie est classique, où les alexandrins sont coupés en hémistiches ce qui met en valeur son architecture rythmique. La deuxième version est dite moderne, mais d’un modernisme qui refuse les excès du modernisme qui met trop de blanc : mais, dit-il, « je l’ai voulue rigoureuse par la disposition, parfois symbolique de la mise en pages, et dans le dépouillement d’un style qui ne comporte pas un seul adjectif ». Amante en abîme, p. 101

 

Prélude

 

Une Femme la mer

d’immuable mémoire

écho des longs sommeils

à l’abri des rondeurs

par l’envers ou l’endroit

de sa riche baignoire

de sang de voix de lait

de cheveux et d’odeurs

 

une femme la mer

plus haute que l’espace

pour l’œil du condamné

amoureux des oiseaux

rumeur des fonds velus

dont s’imprime la nasse

dans sa houle endormie

au sable des berceaux

 

après les soies du soir

si l’ouragan la gerce

on en entend gronder

l’orgue du ventre ouvert

violence ô douceur

quand l’homme la traverse

des langes au linceul

une femme est la mer

 

Vers la rive oubliée

escale des palombes

entre les troncs tortus

que hante le hibou

leurs envols y frôlant

les châtaignes qui tombent

sous des sabots furtifs

le frisson d’un caillou

 

l’enrouement du corbeau

sur la mélancolie

des étangs noirs l’hiver

fit pourrir là tant d’ors

au plain-chant de sa chair

ajoutent la magie

de tout ce qui se meurt

et naît des êtres morts

 

dans les reflets sans fonds

de vos métamorphoses

branchages mis à nu

par vos mouroirs flottants

de son charme effeuillé

moins présents que les poses

que je vois m’éclairer

les corridors du temps

 

elles me crient au cœur

ce que criait la craie

puni seul au tableau

quand l’ithyphalle en moi

affamé d’une femme

y griffonne la raie

interdite aux désirs

d’un trop précoce émoi

 

Cette femme la mer

je la remue en elle

sa pâte à pleines mains

pétrie au feu du soir

deux nageurs que le flot

ayant noués flagelle

le gémissant accord

des grains et du pressoir

 

complices accomplis

de l’unique tempête

étreindre que nos vies

créées par ses remous

détournent sans fin

l’envoûtante oubliette

des sources de la mort

au donjon des genoux

 

les membres confondus

de nos corps sans chemises

aiguisent au sommeil

le réveil du désir

qu’en leur mol incarnat

quatre valses surprises

pour nous remettre au monde

assument d’assouvir

 

puis glisser sur des vers

défouis du fond des livres

dont l’ombre inépuisable

a mûri la clarté

par nos doigts nos regards

le vin de lèvres ivres

jusqu’au soir à sa lampe

et ton sexe écarté

 

d’un vieux poète ami

que la mort nous dérobe

si ma voix de la sienne

étrangle la chanson

ta jeunesse attendrie

arrache de sa robe

où suspendre à ton cœur

le poids de ma saison

 

s’efface entre tes seins

que nous sommes poussière

quand ta chair fraternelle

ensorcelant la nuit

allaite de ton souffle

une forme éphémère

et la délivre en toi

du néant qui l’emplitAmante en abîme, Grasset, 1989

 

Vous avez bien entendu que ces poèmes sont fortement teintés de sexualité. Maurice Chapelan revendique son penchant pour les choses du sexe, il s’en fait même une philosophie. Car pour lui l’exercice de la volupté fait partie intégrante de son amour de la vie et de la littérature.Mais il ne faudrait pas voir en lui une sorte de Don Juan ou celui d’un pervers ; non, il se présente comme un amoureux des femmes avec une morale digne d’un gentleman : « Que le bonheur qu’on prend ne soit pas du malheur qu’on donne : je n’ai pas d’autre morale ». 228Amours amour, Grasset, 1967

Au chapitre des amours, je n’aurais garde d’oublier les récits érotiques que Maurice Chapelan a publié sous le nom d’Aymé Dubois-Jolly, aux titres tout à fait explicites : Les mémoires d’une culotte (1978), Les mémoires d’un plombier (1980), Le confesseur confessé (1981) et enfin Le petit oiseau d’Anatole (1983). Mary Munro-Hill, vient de publier un quatrième tome d’analyse des œuvres de Maurice Chapelan, intitulé Love and laughter in the works of Aymé Dubois-Jolly ;elleprend pour fil conducteur l’humour avec pour toile de fonds les œuvres licencieuses du siècle des Lumières, les références à Diderot ou au marquis de Sade étant nombreuses.

Et, précisément, c’est dans cette lignée que se situe l’auteur, comme il le dit dans sa préfaceauxConfessions d’un plombier : « immoraliste plein d’esprit. L’auteur s’en est donné à cœur joie d’y pourfendre les préjugés et les tabous dont il avait été victime dans son enfance. Elles sont aussi d’un amoureux des mots, ivre de liberté sémantique, d’un érudit en goguette que la richesse de l’argot émoustille, mais non moins féru de rigueur grammaticale. »

Pour ce qui concerne l’humour, prenons cet exemple : « Cu cu me voilà ! »

Et puis il ne faudrait pas oublier le grammairien qui même dans ces ouvrages tire le meilleur de la langue, à savoir le vocabulaire ; ainsi Jeanne Cressanges dans sa préface cite quelques-unes des appellations que l’on découvre chez Aymé Dubois-Jolly : hampe, pétrus, rubbicon, tapanard, moniche, cliquette (p. xi).

Il y a aussi quelques références toutes littéraires à Céline, Valéry « Perdu le foutre, ivres les eaux ! » p. 130 Les Mémoires d’une culotte

On peut aussi y déceler des préoccupations métaphysiques : « L’Enfer, non, rectifia Monseigneur, qui avait de la sympathie pour les intégristes. Mais je crois qu’il n’y a personne dedans. Dieu est trop bon. »

Je ne résiste pas à vous donner cet exemple qui allie l’humour, l’amour (de soi), de jeu de mots avec le personnage de la Bible Onan, qu’on interprète souvent comme une allégorie de la masturbation, qu’il détourne joliment : « Se contenter d’Onan donnant », p. 223Amours amour, Grasset, 1967. Détournement qui éclaire la vision de l’amour de Maurice Chapelan, centrée sur la réciprocité du plaisir.

Mais il avertit qu’il est un homme sensible, comme les autres : « J’ai été amené très tôt à dissimuler un cœur vulnérable sous le masque du libertin/ Masque n’est pas cuirasse ». 229Amours amour, Grasset, 1967 sensible

 

Toute sa philosophie se résume en effet à cette recherche du plaisir sans complexe ni culpabilité issue d’une morale catholique : « Je jouis à mon aise, qui n’est point pécher, parce que j’ai perdu la foi. D’ailleurs, avec ou sans elle, quelle importance, aux yeux d’un Créateur s’il existait, que nous usions librement de moyens de notre plaisir puisqu’il en serait l’auteur. » (Le Confesseur confessé, in Mary p. 141) L’important, en effet, est cet hymne à la vie où la religion n’a que faire.

Il conspue les bons prêtres, loue les mauvais : « Les prêtres sont des buralistes. S’ils n’ont pas, qu’ils devraient avoir, une carotte pour enseigne, ils font recette avec de la fumée » (Le confesseur confessé, in Mary 165) Il tient cet anticléricalisme de son passage entre les mains des oratoriens et des religieux du collège mais aussi de la bigoterie de sa mère.

 

Et il place au même rang Sainte Thérèse et la Juliette du marquis de Sade puisqu’elle allient mysticisme et sensualité. Mary 148.

Car l’amour le rapproche de la spiritualité.

Ainsi, la volupté offre autant un stimulant créatif qu’un accès au mysticisme : « Seul l’amour m’a donné parfois le sentiment du sacré » 238Amours amour, Grasset, 1967 c’est ainsi qu’on peut aussi le qualifier de spiritualiste. Et il a cette belle formule : « Il faut sortir de l’église pour voir le ciel » Amours, amour p. 141. On le voit cette spiritualité confine au mysticisme mais se fait sans l’aide de la religion, peut-être même, au contraire, contre elle.

Alors il affirme« J’appartiens à l’espèce la plus répandue : les agnostiques spiritualistes », Amours amour p. 70 C’est qu’il croit en une espèce de divinité qui n’appartient pas à l’église. Il parvient à une sorte de mysticisme sans dieu, où tout est dieu, et surtout la terre : « Plaisir de prendre la terre à poignée d’en écraser les mottes noires dans sa paume, d’en sentir la fraîcheur et le grain, la douceur humide, et de la laisser glisser entre ses doigts pour la rendre au sol, en une libation où l’on invoque la nature féconde. Amours amour, p. 24

« Quel plaisir, les froides nuits d’hiver sans lune, que de compisser la terre durcie du jardin en regardant les étoiles ! Cette libation s’accompagne d’un frisson dans les lombes et dans l’esprit, où Dieu et le grand Pan s’accordent. » (Amours amour, Grasset, 1964, p. 33) Il rejoint un Dieu personnel bien plus proche des forces telluriques que des églises dans un beau mouvement archaïque.

Ajoutons à ce chapitre l’exercice obligé que constitue le blason qui allie encore une fois l’amour à la poésie :

 

Blason de S

 

O la sournoise ciselure

de ta nuque, où le petit rond

D’un baiser, tombé d’aventure,

S’élargit jusqu’à ton giron !

 

O tes yeux, fendus en amante,

couleur d’étoiles et de nuit,

Leur abîme tendre m’aimante

Et précipite au fond du lit !

 

O tes pieds, non pas minuscules,

Mais si cabrés qu’ils en ont l’air,

Plus légers que libellules

Au jonc flexible de ma chair !

 

O salive sur cette langue

Dont mollit ou m’entre le dard

Je la mâche comme une mangue,

Tu me gorges de son poignard !

 

O tes seins, moulés à la louche

Que de jolis jeux on leur doit,

L’autre s’étirant dans ma bouche

Quand l’un durcit contre mon doigt !

 

O serpent choyé d’une échine,

Mon chapelet quotidien,

La sœur des plus souples de Chine

Et qui m’enchante au temps de Chien !

 

O ton ventre, doux à ma joue

Lors du plaisir, un peu pervers,

De jouir de la main qui joue

Au creux de tes genoux ouverts !

 

O les chemins bleus de ta hanche,

D’où la danse de mes doigts, dix,

De mes deux lèvres l’avalanche,

Vont envahir ton pubis !

 

O détours, sur la cuisse lente,

Vers le berceau de tes jarrets,

Toi, d’être prise, pantelante,

Que j’épuise par tant d’apprêts !

 

O l’excès rose de ton sexe,

Buisson de muscles et d’humeurs,

Sous l’ébène épaisse et convexe

Que j’aime à mourir quand tu meurs !

 

O le revers de sa médaille,

Ton cul élastique, écarté,

Qu’à pleines paumes je tenaille

Puis perce d’un ongle éhonté,

 

Pour savourer ton enthousiasme

Au plus secret de son éveil :

Y palpitent, noirs, dans l’orgasme,

Les rayons d’un étroit soleil !

 

Reste à célébrer ton visage

A l’abandon sur l’oreiller,

Endormie, ô mon enfant sage,

Tandis que me tient éveillé

 

Le sortilège en la virgule

Où ton sourire encor s’étend :

Dans les sables du crépuscule,

Ombre d’oiseau sur un étang !

Amoroso, Le Cherche midi, 1990, pp. 95-97

 

La femme est vécue presque comme une divinité, comme le souligne cette litanie d’adresses : « ô tes yeux », « ô tes pieds » qui fait de la femme un élément de la nature entière qui ouvre chez Maurice Chapelan un accès à la spiritualité.

Il souligne même que : « l’exercice de la volupté est la condition du développement intellectuel. » Mary158 C’est-à-dire que sa philosophie hédoniste prend pour base la jouissance du corps autant que celle de l’esprit.

Le tout, comme on vient de le voir avec le blason, ne peut s’exprimer le mieux que par l’exercice de la poésie.

 

Le poète

 

Maurice Chapelan a commencé par la poésie, et la grande affaire de sa vie, c’est la poésie. Que ce soit l’homme de lettres, le grammairien, l’amoureux, tous ses thèmes ont pour mode d’expression la poésie.

Et ses vers, sont, comme lui, inconnus.

Je vous en ai fait entendre quelques-uns, des plus anciens aux plus récents. Leur auteur n’a pratiquement jamais publié de recueils en tant que tels,

Il a commencé assez modestement par la traduction d’un auteur dont il se sent très proche, Omar Khayyâm, 1969 : Cent quarante-deux robaï d’Omar Khayyâm d’après la traduction anglaise de Edward FitzGerald (1852), Grasset

 

Cent quarante-deux robaï d’Omar Khayyâm d’après la traduction anglaise de Edward FitzGerald (1852), 1989.

 

J’ai regardé pensif

un potier diligent

 

debout devant son tour

en suivre la cadence

 

pour façonner des pots

de même contenance

 

avec les mains d’un roi

et les pieds d’un mendiant, n° 30

 

*

 

Perdre d’un cœur égal

la vie ou sa pantoufle

 

pour personne ici-bas

jamais rien n’est acquis

 

on respire ignorant

qui vous prête le souffle

 

et quand on rend le souffle

on ne sait pas à qui. n° 57

 

*

 

Laissant les astres choir

comme un pommier ses pommes

 

dans l’herbe du Néant

dieu propage le rond

 

d’une bague sans fin

qui bâille du chaton

 

puis dit : « Il y faudrait

une perle. » Et fait l’Homme. n° 60

 

*

 

M’a-t-on fait pour le Ciel

ou pétri pour l’Enfer ?

 

J’aime mieux au comptant

qui comble mon attente

 

un luth et du vin frais

dans les bras d’une amante

 

qu’à terme au Paradis

dont le prix est  amer. n° 67

 

*

 

De la rose et du Vin

l’ivresse ne délivre

 

que les cœurs avertis

de leur secret usage

 

ne sois pas l’ignorant

aveuglé par son livre

 

puisque celle du Vin

ne peut s’ouvrir au sage. n° 109

 

*

 

Du pain du vin et du beau temps

un livre de vers puis s’étendre

auprès d’une fillette tendre…

N’échangerais-tu pas Sultan ?  n° 115

 

*

 

Je remets à plus tard

la tristesse et l’ennui

 

à moi le vin la rose

un luth et mon amante

 

le chiffre de mes ans

a dépassé septante

 

ou quand donc me réjouir

si ce n’est aujourd’hui ? n° 129

 

Pour lui la poésie est le cœur sensible de la littérature, parce que c’est le genre où l’on ne triche pas : « Les poètes, souvent méconnus s’en accommodent (de la gloire) mieux, je crois, que n’importe qui, parce que l’exercice de la poésie suffit à leur donner des satisfactions profondes : plus d’un écrivain prend de plaisir vrai à écrire, plus se montre-t-il indifférent aux signes extérieurs de la renommée. » Amours, amour p. 96 On reconnait bien là l’homme Chapelan, modeste derrière son masque.

Il considère la prose comme étant pour lui, la véritable poésie : « Les vers que j’écris sont pour moi une autre sorte de prose, où le rythme et la rime animent sa marche et l’amusent. La prose est ma poésie. » Amours, amour p. 115 Et il insiste :

« Je lis et écris avec mes oreilles » p ; 116Amours, amour dit-il. En réalité, on voit bien qu’au-delà de la formule, ce sont bien les vers, le traitement du vers qui l’attire.

Dans les quelques exemples qui vont être lus, on ne sera pas étonné d’entendre traiter le thème de l’amour :

 

Nada

 

Au noyau soyeux du silence

que tricotent les doigts du feu

l’esprit réduit à sa présence

s’absorbe et se prend pour enjeu.

Sur la page que l’ombre efface

languide glisse une main lasse

vivre s’achoppe au temps vécu

et les beaux lacs de la mémoire

laissent paraître dans leur moire

les vaisseaux brûlés d’un vaincu Amoralités familières, p. 221

 

*

 

 Un même lin de solitude

nous lie au lange et au linceul

désert parmi la multitude

on meurt et l’on a vécu seul.

Amour amis famille ou gloire

garderaient-ils notre mémoire

chacun suffit à son trépas.

O l’absence en lui bourdonne

la bière où la caillou résonne

et la vie éloignant son pas Amoralités familières, p. 225

 

*

 

D’une chambre il suffit au sage

ô Diogène – ou d’un tonneau.

Sans vin ni livres ni visage

il s’enivre d’un verre d’eau.

Bonheur bizarre être lucide

sous le plein connaître le vide

distinguer l’envers de l’endroit

le cabotin sous le stratège

et ne pas tomber dans le piège

d’un monde où le mensonge est roi Amoralités familières, p. 227

 

 

Conclusion

 

Il résume ainsi sa vie : « Tout m’a été donné, je n’ai rien conquis. Ma vie : une succession de miracles. Il est vrai compensés par trois ou quatre grands malheurs : une mère indifférente, une maîtresse follement aimée qui vous quitte, l’ami qui retire sa main au moment où vous perdez pied, la mort d’un fils. » Constat pessimiste, il faut le voir, mais aussitôt compensé par cette affirmation : « On aurait pu être haï par sa mère, bafoué par sa maîtresse, poussé à l’eau par son ami ; on voit des fils assassiner leur père » Amoralités familières p. 139 Avouez que ce poète a acquis une certaine sagesse !

 

Que ce soit ces mémoires, ses amours nombreuses et ses relations littéraires ; que ce soit le penseur qui écrit des maximes frappées au bon coin du bon sens ; que ce soit encore, bien sûr, le grammairien si érudit, à la fois rigide et souple ; que ce soit enfin l’amoureux pour qui, l’amour mène au ciel, nous entendons derrière ses écrits un poète.

 

J’espère que j’aurais suscité chez vous le désir de lire les œuvres de cet homme de lettres qui se plaisait à se faire oublier : la chose est si rare qu’il faut bien une petite communication pour le souligner.

Vous savez maintenant que ce grammairien n’est pas tout à fait ordinaire, c’est un grammairien amoureux ; davantage, devrais-je dire en reprenant ses propres mots et pour revenir à l’étymologie de mot « amoureux », « un amateur ». p. 127Amours amour, Grasset, 1967.

 

 

Bernard Fournier

 

 

 

 

 

 

 

Aucun commentaire: