Prix Aliénor 2016
Frédéric
Tison,
né en 1972 à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées,
vit et travaille à Paris. Il est l’auteur d’une
dizaine de livres de contes et de poésie. Quelques-uns de
ses poèmes et études ont paru dans les revues de
poésie Les
Hommes sans Épaules, Recours au poème, Ce Qui Reste,
Arpa, Possibles (nouvelle série) et Concerto
pour marées et silence.
Bibliographie
sélective :
Anuho (Les
Quatre Livres),
éd. Larbaud et Cie, 2005.
Les
Ailes basses,
éd. Librairie-Galerie Racine, 2010.
Les
Effigies,
collection Les Hommes sans Épaules, éd.
Librairie-Galerie Racine, 2013.
Carnet
d’oiseaux,
illustrations de Renaud Allirand, livre d’artiste, éd.
Bibliocratie, 2015.
Le
Dieu des portes,
collection Les Hommes sans Épaules, éd.
Librairie-Galerie Racine, 2016, Prix Aliénor 2016.
Rues
gris sable,
illustrations de Sylvie Ledouxe, livre d’artiste, Chez les
auteurs, 2016.
Lettre
à la nuit, illustrations
de Danielle Berthet, livre d’artiste, Atelier de Danielle
Berthet, 2017.
_____________
Extraits
de Le
Dieu des portes,
collection Les Hommes sans Épaules, éd.
Librairie-Galerie Racine, 2016, Prix Aliénor 2016.
*
Les
rues multiplient mes absences, et tu t’en souviens.
Dans
la ville qui fut de céréales et de vin, la farine a
couleur de cendre, et ces flaques sont murmures de sang. Sont-ce là,
en vérité, mes empreintes ? Ai-je touché
jusqu’à le fendre ce mur ?
Tu
m’as suivi comme le vent. As-tu partagé mes blessures ?
Tu me parles d’un amour — peux-tu encore manger dans mes
mains ?
Mais
les rues multiplient mes absences, et tu es là les yeux ivres
à répandre ton pain.
(Cahier
I., III.)
*
La
rue est noire et quelqu’un marche derrière toi. Les
portes qui s’ouvrent et se ferment tout près semblent
des rumeurs de voix sans mémoire.
Combien
de soirs se sont-ils éteints dans tes pas ? Sous la lune
brève, la nuit elle-même est revenue, dans l’abondance
des miroirs.
Te
retournerais-tu qu’une ombre serait passée —
Croyais-tu la précéder, avec l’insolence et la
hâte ?
La
rue est lourde qui s’écoule ; sur ses
trottoirs tu vois une à une tes arches s’effondrer —
Tu les lanças au sein de tant d’autres qui déclinèrent,
qui furent emportées !
(Cahier
I., XVI.)
*
Épelle
en marchant la jeune forme inspirée par l’oiseau, chante
les gouffres et les lèvres de l’ornière, et la
saison qui te voit dévalant le tapis d’herbe du parc,
devant le château supérieur.
Loue
l’immense allée ponctuée de statues dont les
gestes sont lointains, célèbre l’escalier vers le
lac.
Une
barque t’attend, deux rames déployées ; armé
d’ombres, nautonier, chante l’eau énorme et
légère. Un ciel se déploie au-devant ;
chargé d’ailes, prisonnier, demeure dans l’air qui
te chante.
Ainsi
brise, brise : les lumières noyées, l’air
noir, la poix de toute écluse, de toute rive.
(Cahier
II., XXVII.)
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