Robert-Hugues BOULIN, poète aveugle, apportait sans cesse la preuve qu’il était voyant, au quotidien, comme dans sa poésie. Ses
Images (titre de l’un de ses plus récents livres) le portaient, donnant à sa
Cité intérieure (titre de l’un de ses premiers livres), un regard, un imaginaire aux couleurs plus chatoyantes que chez la plupart des autres poètes.
Robert, qui a longtemps fait partie de notre Comité, d’emblée nous reconnaissait à la voix, et sans la moindre hésitation nous saluait par notre prénom, et la chaleur de son timbre répondait à notre émotion.
Lucide sur son destin : Je ne suis né que pour mourir (Jetés a vent), il n’en demeurait pas moins transmetteur d’une parole de vie. Il a bâtit une œuvre aux multiples facettes : poèmes en vers libres, poèmes en forme classique, proses poétiques, nouvelles : Les mots cherchent le mot / les idées se courtisent (très belle leçon de poésie mise en lumière par son éditeur et ami, Thierry Sajat dans la préface de La Grande symphonie).
Il s’était rapproché de Pierre Esperbé - son cadet de quelques mois qui l'a cependant devancé dans la mort -, lorsqu’il avait découvert que les parents de celui-ci, tous deux aveugles, avaient également vécu à l’institut de Saint-Mandé, qu’ils avaient connu ses propres parents. La poésie et l’amitié amplifièrent leur complicité.
Les mots lui servaient à ouvrir de nouveaux chemins. La poésie, l’humour – et même l’autodérision -, l’amour, l’aidaient à se tenir debout, en homme chaleureux, arbre sans cesse revivifié dans sa quête d’une nature qui serait en harmonie avec l’humanité : Si je crois en l’homme / je doute de ses actes (Jetés au vent). Certains de ses vers ressemblent à des maximes : On ne fait pas de feu avec des cendres froides (Jetés au vent). Mais sa philosophie lui permettait surtout le dialogue avec les autres. Depuis la disparition de son épouse aimée, - également fidèle à nos réunions de poésie - il avait su se recréer un monde à la dimension de son élan poétique : L’homme éphémère appartient à l’éternité. Humble cependant, au service de ses compagnons. Son rafiot, écrit-il dans Images s’appelle Petit bonheur.
Son œuvre s’achève par La grande symphonie – parue en ce début d’été –. Il était conscient qu’il s’agissait là de ses dernières notes (titre d’ailleurs du dernier poème de ce recueil). Et avec ses derniers mots, je vous invite à le relire, à le remercier d'avoir été cet éveilleur de mots, à penser à lui, pour qu’il demeure vivant, dans la permanence du poème : Puisque vous êtes Lumière / au cœur de la nuit.
Colette Klein