samedi 28 juin 2014

Prix Aliénor 2013: Gilles BAUDRY, pour son recueil: Le bruissement des arbres dans les pages


Aliénor, Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft,
lors de sa séance du samedi 14 juin 2014 par la voix de présidente
Béatrice Marchal 
a attribué le Prix Aliénor 2013 à  
Gilles BAUDRY,
pour son recueil: 
Le bruissement des arbres dans les pages 
(Ed. Rougerie)



Dès le premier poème, le cadre, l’atmosphère, le ton du recueil sont donnés. Seul avec le silence […] j’écris. La solitude certes, mais dans une « absence habitée » ; le silence, mais « bourdonnant d’abeilles », où l’on peut « écouter sans fin venir/les pas de Dieu » ; la vie retirée « dans un lieu perdu/au bout du monde » mais « où tout commence » : on comprend d’emblée que pour Gilles Baudry, écrire – est-ce la condition, est-ce l’effet ? – instaure un ordre autre, où les contraires coexistent en cessant de s’opposer.
Sans plus tarder, le deuxième poème rend compte du titre : à la suite d’une expérience fondatrice, « le bruissement des arbres dans les pages » accompagne nécessairement le poète, qu’il lise ou qu’il écrive. Les deux citations placées en exergue en donnent une explication : pour Henry Miller, si « le monde redevient humain », c’est « grâce aux arbres » et la référence aux psaumes évoque, quant à elle, la « clameur silencieuse […] que fait entendre la page d’un livre ». Plus loin, le vent permet d’établir une correspondance entre le paysage et un livre : il fait de chaque paysage la page d’un livre écrit par Dieu, qu’il nous est donné de lire :
Page à page le vent
feuillette le grand Livre
pour que tu ailles dans la Création
de paysage en paysage
Et réciproquement, les mots, si impuissants soient-ils à vaincre nos douleurs, trouvent au moins dans les arbres des alliés :
Il advient pourtant qu’ils sachent frémir
éveiller dans les arbres
leurs rêves profus de ramures
et traduire en échos en reflets    
ce qu’a de plus ténu et de plus fin la réalité extérieure.
Les mots, il leur faut être, nous dit Gilles Baudry, « simples et immenses », mais « portés à [un] degré d’incandescence » qui lui permette, humblement, d’« illumin[er] un secret ». Sans abri est le poète, exposé tout entier à « ce goût de l’au-delà », premier, essentiel, qu’assurément « rien ne [lui] enlèvera » de même qu’il n’a jamais quitté Pierre Reverdy, son frère poète. Goût de l’au-delà également appelé « ce désir d’ailleurs »
Le motif de la lisière, introduit par l’oiseau – alouette ou loriot – qui vole sans en avoir l’air/en lisière de paradis, ou par l’extase des lointains, la définit comme lieu où l’espace touche au temps ; or, dans « L’offrande monacale », les ruines de l’ancienne abbaye de Landevennec voient leur grandeur spirituelle résumée dans ce vers « Le temps a pris la forme de l’espace ». La lisière peut ainsi apparaître comme une définition du poème, où s’écrit « l’envers du monde », lieu d’un invisible qui nous ouvre les yeux. Tel Parsifal qui en atteignant le château du Graal, apprend qu’ « ici le temps devient espace », Gilles Baudry fait de la lisière la forme d’un nouvel espace-temps, de nature spirituelle, propre, non seulement au poème, mais au recueil tout entier.
Or, le goût de l’au-delà pose, par la bouche de Pierre Reverdy, une « insoluble question » : « Irai-je plus loin que moi-même ? ». S’« il faut que chacun devienne le ciel », autre formulation, donnée cette fois par Novalis – comment faire ? 
Gilles Baudry répond qu’il suffit de « toucher la tunique du ciel » : pour lui en effet, une ambition excessive, qui serait de l’ordre de la prédation, ne sert de rien, limitons-la à une approche – la lisière toujours ! –, à un affleurement de ce que nous ambitionnons. D’ailleurs le manque, constitutif de notre condition, doit être accepté – « offrir ce qui nous manque » – car nous sommes « riches » de ce manque, il nous féconde en « creus[ant] le pur désir », et s’avère ainsi condition de l’amour :
Ne veuille pas combler le manque
ni affranchir
toute distance
– si porter les stigmates
De l’absence creusait le pur désir ? –
Corollaire du manque, le vide est une nécessité de la quête spirituelle :
 Ne le crains pas
 le vide
 ne le supprime pas
 me dit la voix
 – et s’il ouvrait les apparences ? – 
Le manque, le vide, le peu, le creux : c’est ainsi que se constitue tout un lexique de ce qu’on pourrait appeler un « insuffisant nécessaire», en vertu duquel « la nuit s’alvéole » et le poète éprouve le désir de « s’ajourer ». On peut y associer les thèmes du silence et de la lenteur, tous deux signes d’une déperdition d’énergie au profit d’un gain supérieur : nos gestes, notre cœur lui-même doivent se ralentir et l’être tout entier « s’ensilencer ». L’objectif est en effet, avant toute autre ambition, d’aller à la rencontre de soi et de se trouver soi-même : « Va vers toi-même ».
Cette marche vers soi associe – et c’est là une caractéristique de la poésie de Gilles Baudry – les contraires ; elle multiplie les apparentes contradictions – entre intérieur et extérieur, entre solitude et rencontre avec l’autre – afin de mieux les dépasser. L’injonction « Va vers toi-même » va en effet de pair avec la nécessité d’être « délestés de nous-mêmes », de ce trop-plein inutile qui nous encombre et nous interdit d’aller « l’âme nue ». C’est alors qu’« aller à sa rencontre » permet de « mieux s’empayser des autres » et ce que nous cherchons à l’extérieur dans un paysage devient correspondance de notre moi intérieur : ainsi dans les ruines de l’ancienne abbaye de Landevennec 
 « Distraitement/ par habitude/ les yeux cherchent en vain/ la voûte/ les arcades/ mais c’est en nous peut-être/ qu’on pourrait lire/ à ciel ouvert ».
L’autre, c’est aussi le paysage : « et nous veilleurs/ debout entre l’âme et le monde ». Paysage d’opale noyé de brumes – celui de la presqu’île de Crozon –, mais aussi rehaussé d’or comme un tableau des  primitifs italiens ; paysage souvent rendu sensible par le goût de notre poète à nommer, égrenant les noms bretons des lieux de sa chère presqu’île : « Ici/ l’estuaire de l’Aulne/ l’île de Térénez/ le Pâl  le sentier de Penforn ». Le paysage est partout : « Nous avons beau nous éloigner/le paysage ne nous quitte pas », ce paysage que nous pensons gratifier de notre regard « mais c’est lui/ qui nous embrasse », qui « te suit du regard avec tant d’égard »... C’est lui qui, grâce à son innocence, nous permet de « guérir/du temps/du monde tel qu’il va », si insatisfaisant ; c’est le paysage qui permet à notre cœur « désorbité » « de remonter/sa pente chaque jour » et nous aide à contrecarrer les effets négatifs « d’une mémoire déformante ».
 Gilles Baudry confère souvent au paysage des attitudes anthropomorphiques qui associent proximité et empathie avec l’homme. Le salut nous vient d’ « un pays innocent à regarder/intensément/au fond des yeux ». Ici encore, un jeu s’installe entre les contraires, en l’occurrence entre proche et lointain, intérieur et extérieur : c’est en accordant notre regard aux lointains que nous atteindrons l’intérieur de notre être : « l’accorder/ – seule harmonie qui nous requiert – à cette extase des lointains ». On remarquera la fréquence du verbe « accorder », employé bien sûr au sens de « mettre en accord avec », « répondre à », autre verbe récurrent ; mais accorder est aussi pris dans le sens de donner, faire don de, les deux sens étant d’ailleurs complémentaires, le don étant assurément condition de ce que l’accord a d’harmonieux.
Pareil accord est source d’une liberté nouvelle : il arrive qu’à ce degré d’harmonie, forme accomplie de spiritualité, notre corps devienne autre, s’ouvre à la perception d’une réalité plus grande et conjure tout destin.
De façon générale, Gilles Baudry vise, par sa poésie et la foi chrétienne qui l’imprègne, à situer l’homme au sein de l’univers dans une dimension nouvelle, tant spatiale que temporelle et telle qu’il y évolue plus librement : il est nécessaire d’arraisonner le réel, resté « invisité », afin d’ « ouvrir » les apparences.
Dieu est « une telle présence », « une lumière » qui nous permet d’échapper à un monde qui « ne suffit plus », et qui « nous grandit » à des proportions extraordinaires et cosmiques :
                  et dans les solitudes intérieures
                        comme elle nous accompagne
cette basse obstinée du silence des siècles
                  
en cette lente rotation des astres
autour du cœur
        
Ajoutons à cette liberté l’idéal pour nous d’atteindre une « simplicité sans limites », à l’image de ce ciel breton qui « pousse [cette] simplicité / jusqu’à vous quémander sa route » ; simplicité dont l’effet le plus immédiat est d’opérer l’intégration de l’immense dans le minuscule : il devient alors possible de « rêver grand/ dans les petites heures du temps ordinaire », de trouver « dans les miniatures de nos pas/ l’immense » et « dans le plus dénué […] cette part de ciel et d’amour/ qui qualifie la vie » :
       si passait la gloire dans les jours gris/ l’illimité/ dans l’ordinaire des petites heures ?
Le croyant y répond par la « gratitude », « la gratitude ailée/ dans l’étonnement inouï d’être en vie ».
 Pour aller au-delà de nous-mêmes, il faut enfin « sauvegarder l’enfance » et, pour cela, « se laisser guérir », se rendre tout entier poreux à l’esprit d’enfance, « respirer par tous les pores de l’enfance ». Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas là d’une régression mais bien d’une conquête, celle de « l’enfance à venir» : il nous faut « nous élever/ jusqu’à hauteur d’enfance ». S’il y a retour au passé, il ne peut être que renouement avec le regard vierge de « la première enfance », regard « d’avant la mémoire », pur de tout souvenir, capable de capter les secrets des chemins de creux. Ici encore, la mesure du temps est sensiblement différente.
Le ton du recueil est celui de la sérénité, il s’en dégage une sagesse, une paix bénéfique qui ont triomphé. Elles sont pourtant gagnées de haute lutte par le poète, le thème répété des pleurs intérieurs indiquant qu’il les connaît lui-même et s’il se trouve en empathie avec « ce qui pleure en [n]ous sans larme », « tout ce qui pleure à l’intérieur », il semble que ses propres prières soient, comme celles des femmes de l’île de Sein si éprouvées par le sort, « mêlées [aux] colères ». Pourtant Gilles Baudry s’impose, avant d’écrire, de « retrouver le calme de [s]a voix » : c’est là une condition essentielle qu’il met à l’écriture, « jamais les mots/ ne doivent blesser l’espérance ».
Car, en secret, œuvre une création qui est bonne, dans l’ombre travaille ce qui concourt à tout accomplissement et dont la création artistique est la manifestation privilégiée :
La page détachée, la phrase
inachevée, la toile
restée sur le chevalet – tout est là
me dit la voix
dans la sève invisible de toute croissance –
Pourtant, malgré tant d’efforts et de recherches, la question ne sera pas résolue et la partie I se termine, comme elle s’était ouverte, sur le silence auquel est laissé le soin de poursuivre la méditation :
« Profonde ô profonde question à creuser/ à poser/ à l’ombre gardienne du temps/ des secrets qui diffèrent sans cesse/ la réponse quinze fois séculaire ». (p. 47)
La première partie compte les poèmes les plus longs et les plus nombreux (33,  alors que la seconde et la troisième en comptent chacune 6, et la dernière 19).
Les vers sont en majorité pairs, le plus souvent octosyllabiques ; on repère de classiques figures de style, comme cette paronomase qui se fait discrète allusion à l’Evangile : le pont nous « fai[t] passer/ d’un rêve à l’autre rive » ; et le recours fréquent à des formes oxymoriques illustre la démarche qui vise, par le dépassement des contraires, un ordre différent. La musique est servie par un goût très sûr pour les allitérations et assonances : « nef végétale/ palmiers/ en guise de piliers […] cresson / au creux du val », « un chant d’écluse et de cristal », « Ce que ruines recèlent/ ce que fouilles révèlent/ se résume ou s’annule ».
*
Les trois autres parties du recueil reprennent des thèmes déjà évoqués, chers à Gilles Baudry.
 « Outre mesure », la seconde partie, est composée de six poèmes, dont chaque titre est une indication de jeu musical, pizzicato, legato, vibrato, continuo, ostinato, morendo. Elle est tout entière écrite sur fond de silence, d’un silence où – dont peut-être – naît cette musique, et où le poète pressent qu’il trouvera ce qu’il cherche obscurément :
Je souffre d’un lointain musical que j’ignore,
telle est l’exergue que Gilles Baudry emprunte à Cécile Sauvage, la poète qui fut la mère d’Olivier Messiaen. Chaque poème va constituer une mise au « diapason » : il « transpose », c’est-à-dire opère une correspondance, établit l’harmonie entre le monde extérieur et notre « stradivarius intime ». Il suffit pour cela de « pencher l’oreille »…
 On entend alors le murmure universel et persistant de l’énigme posée par toute réalité du monde que nous regardons ; au bout du silence, « reste la note ultime », l’interrogation suprême de « la vie/en fin de partition », note « intensément tenu[e] » en signe d’espérance, comme dans Lulu d’Alan Berg.
On retrouve dans la partie trois, intitulée «Votifs », une précision de l’observation qui s’assortit du goût de Gilles Baudry pour la nomination, et dans l’évocation pêle-mêle des réalités du monde, l’expression de l’amour profond qu’il leur voue, si humbles et ténues soient-elles.
« L’opulence du peu », titre de la dernière partie, couronne l’ensemble par un hymne aux bienfaits du silence, silence qui a « même tessiture » que la solitude mais qui seul donne aux mots leur « présence » :
Donner aux mots une présence
l’opulence du peu
accorder juste souffle à la vie,
le silence qui seul nous amène au plus intime de nous-mêmes et devient « parole » essentielle :
Tu cherches
un mot de rien
qui dirait tout

tu trouves une parole silencieuse
assise au fond de ta respiration,
le silence enfin qui se fait lumière et nous dirige au plus profond de nous-mêmes, là où repose le divin, le silence comme indice le plus sûr de l’ailleurs recherché : « l’au-delà/est l’au-dedans ».
Mieux que jamais est exprimée la correspondance entre haut et bas, ciel et terre ; c’est ainsi qu’il est possible d’affirmer qu’avec l’humilité requise,
un seul brin d’herbe suffirait
à nous faire de l’ombre.
Réapparaît également le hiatus entre l’origine et la fin de toute chose, et le sentiment qu’il alimente si fortement chez Gilles Baudry, de l’inexpliqué.
Le dernier poème enfin s’adresse d’une façon aussi simple et juste qu’émouvante  aux poètes,
Poètes
voués à la notoriété
de l’ombre ;
il confie leur obscure immortalité à la garde du vent, à son souffle pour les inscrire, à travers sa conversation avec les arbres, « au livre de la vie ».
Béatrice Marchal, présidente du Cercle Aliénor. 

Le Bruissement des arbres dans les pages, éditions Rougerie, 87 pages, 13 euros.
















Cette dernière séance du Cercle Aliénor a également été dédiée aux poètes du Cercle qui ont pu lire leurs poèmes. 
















samedi 26 avril 2014

100 ans de Georges-Emmanuel Clancier


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

lors de sa séance du
Samedi 10 mai 2014 
à la Brasserie Lipp
a fêté les 100 ans de Georges-Emmanuel Clancier

Le Cercle Aliénor fête les 100 ans de son Président d'honneur: Georges Emmanuel Clancier


La vive aventure de
Georges-Emmanuel CLANCIER,
100 ans, le temps d’une étincelle !
Georges-Emmanuel Clancier

Georges-Emmanuel Clancier et Danièle Corre

par Jeanne-Marie-BAUDE
et Danièle CORRE
Anne Clancier


Bernard Fournier

Poèmes chantés par Raphaële SELVAL

Raphaële Selval

samedi 29 mars 2014

Samedi 12 avril 2014: Paul de Roux par Jean-Pierre LEMAIRE


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

a reçu lors de sa séance du

Samedi 12 avril 2014

à la Brasserie Lipp

Jean-Pierre LEMAIRE 
Jean Pierre Lemaire, © Muriel Bergasa
Jean Pierre Lemaire
qui a présenté l’œuvre poétique de

Paul de Roux



illustrée par les lectures de Colette Klein et Jean François Blavin

Colette Klein © Muriel Bergasa
Colette Klein
Jean François Blavin © Muriel Bergasa
Jean-François Blavin

 


















Le Comité Aliénor

Association de la loi de 1901

Séance suivante : 10 mai 2014

Jeanne-Marie-BAUDE et Danièle CORRE :
Hommage à Georges-Emmanuel CLANCIER, passager d’un siècle


dimanche 2 mars 2014

Samedi 8 mars 2014 Poésie et peinture : des amitiés de papier par Dominique PENLOUP


Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft


a reçu le Samedi 8 mars 2014
à la BrasserieLipp


Dominique PENLOUP,
graveur
Dominique PENLOUP et Béatrice MARCHAL Photo: ©Bernard Fournier
Dominique PENLOUP et Béatrice MARCHAL Photo:  © Bernard Fournier


son intervention portait le titre:
Poésie et peinture :
des amitiés de papier

Dominique PENLOUP  Photo: © Bernard Fournier
Dominique PENLOUP  Photo: © Bernard Fournier
le Comité Aliénor

Association de la loi de 1901

Séance suivante : 12 avril 2014
Paul de Roux
par Jean-Pierre LEMAIRE

Consulter notre site sur http://www.cerclealienor.com

dimanche 26 janvier 2014

Samedi 8 février 2014 Carole AUROUET: " Jacques PREVERT"


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

a reçu le

Samedi 8 février 2014 à 16 h 15 précises

Carole AUROUET qui a présenté

Jacques PREVERT


Carole Aurouet, Béatrice Marchal, Colette Klein, © Muriel Bergasa
Carole Aurouet, Béatrice Marchal, Colette Klein


Vincent Vernillat, Philippe Müller, © Muriel Bergasa
Vincent Vernillat, Philippe Müller

Carole Aurouet, Béatrice Marchal, © Muriel Bergasa
Carole Aurouet, Béatrice Marchal
Philippe Müller, © Muriel Bergasa
Philippe Müller



Philippe Müller,  Vincent Vernillat, Carole Aurouet, © Muriel Bergasa
Philippe Müller,  Vincent Vernillat, Carole Aurouet






Séance suivante : 8 mars 2014
Dominique PENLOUP, graveur

lundi 30 décembre 2013

Samedi 11 janvier 2014 Daniel Martinez et Isabelle Lévesque : « Présentation de la revue Diérèse et du poète Thierry Metz »


 Aliénor

Cercle de poésie et d'esthétique Jacques G.Krafft

a reçu
Samedi 11 janvier 2014 à 16 h 15 précises

à la Brasserie Lipp (salle du 1er étage)
151, Boulevard Saint-Germain à Paris 6ème


Daniel Martinez et Isabelle Lévesque :

« Présentation de la revue Diérèse
et du poète
Thierry Metz »

Daniel Martinez, Isabelle Lévesque, Béatrice MArchal

Isabelle Lévesque

Daniel Martinez

Béatrice Marchal





lundi 16 décembre 2013


 INVITATION: HOMMAGE À MAURICE LESTIEUX



Le 21 janvier, à la Sorbonne, 20H30


Salut Maurice Lestieux !


"Salut Maurice" comme il aimait à dire "Salut Léo" levant son verre, jouant de mille reflets,

à l'heure où s’embrasent les vignes de Castellina del Chianti.

Un salut amical et chaleureux au poète Maurice Gravaud-Lestieux, son œuvre et son univers artistique,

en lectures, musiques et chansons, par quelques-uns de ses amis poètes, musiciens, comédiens ou peintres.

Sophie Rousseau, Véronique de Guitarre, Etienne Champollion, Bertrand Burgalat, Antoine Coesens,

Eric Guilleton, Damien Roquetty ...  et Matthias Vincenot,

accompagnés de l’Ensemble DécOUVRIR.



Nous serons très heureux de votre amicale présence

Le mardi 21 janvier, 20 heures 30, à la Sorbonne,
Amphithéâtre Richelieu.

Entrée libre, veuillez réserver à cette adresse

agenda-culturel@paris-sorbonne.fr




"Chaque voix a des mots, tout parle"

le dernier livre de Maurice Gravaud-Lestieux vient de sortir aux Editions Josse&Prache.

Bientôt disponible en librairie vous pouvez d’ores et déjà le commander directement,

chèque de 19€ -franco de port- à l'ordre de la Sté La Terrrasse, 132 bd Pereire 75017 Paris .


samedi 14 décembre 2013

Compte rendu de la séance du 14 Décembre 2013: Edmond Jabès, recherches … par Didier Cahen


 Compte rendu de la séance du 14 Décembre 2013:

Edmond Jabès,

recherches …

par

Didier Cahen

Béatrice Marchale, Présidente du Cercle, Didier Cahen Photographie © Muriel Bergasa
Béatrice Marchal, Présidente du Cercle, Didier Cahen
Photographie © Muriel Bergasa

La séance de décembre était donc consacrée à Edmond Jabès et présentée par Didier Cahen, poète, essayiste, producteur radio et notamment auteur de Edmond Jabès  publié chez Seghers en  2007 dans la collection Poètes d’aujourd’hui.
Afin de nous faire découvrir "le plus célèbre des inconnus", Didier Cahen nous propose de poser quelques jalons biographiques et bibliographiques de celui qu'il considère comme l'homme des ruptures. La première à sa naissance en Egypte en avril 1912, né le 12, il ne sera déclaré que le 14. Ce décalage donnera naissance dans son oeuvre à une incessante quête de son identité. De même s'il meurt à Paris le 2 janvier 1991, Gallimard inscrira comme date de décès dans sa fiche biographique le 4 janvier. Il naît dans une famille italienne, de banquiers et surtout une famille de culture française. Sa famille est juive mais d'une judaïté sociale plus que spirituelle. 
La seconde rupture surgira lors de la mort de sa sœur dans ses bras, alors qu'il n'a que 12 ans. Il part alors à la recherche d'une langue qui surgit à l'interstice de la vie et de la mort.
La troisième rupture surgira de sa rencontre avec le désert. Parti à sa découverte en voiture, il se retrouve en panne et ne doit sa survie qu'à un nomade. Cette nuit d'angoisse le force à écouter le silence.
Il écrit un premier texte de jeunesse Maman en 1927 qu'il reniera par la suite. En 1931 il publie Je t'attends et parallèlement débute son engagement politique et éthique. En 1935 il se marie avec Arlette. Seule femme de sa vie, elle l'accompagnera jusqu'au bout et décèdera quelques mois après lui. Cette même année il débarque à Paris et rencontre Max Jacob qui deviendra son mentor.
En 1943 il publie Les chansons pour les repas de l'ogre, texte qui laisse transparaître la figure et la voix pleine de Jabès poète:
                        Je suis à la recherche d’un homme que je ne connais pas,
                        qui jamais ne fut tant moi-même
                        que depuis que je le cherche.
                        A-t-il mes yeux,  mes mains
                        et toutes ces pensées pareilles
                        aux épaves de ce temps ?

Guy Chaty a fait lecture de quelques textes   Photographie © Muriel Bergasa
Guy Chaty a fait lecture de quelques textes 
Photographie © Muriel Bergasa

La troisième blessure, la plus violente sans doute sera celle en 1944 de la découverte des camps de concentration. Il ne peut arriver à comprendre comment la langue allemande qui a donné tant de poètes et d'artistes a pu véhiculer ces messages d'horreur et de destruction. Face à la Shoah, il s'interroge sur sa propre judaïté, lui le survivant et sur la langue, le langage poétique. Il se sent presque coupable d'avoir survécu. Il part alors à la recherche d'une poésie inouïe avec Je battis ma demeure, recueil rédigé entre 1943 et 1956 et publié par Gallimard.
Ce questionnement métaphysique le conduit à l'écriture du Livre des Questions en 1963 qui comporte au total 7 volumes. Interviennent dans le récit une série de rabbins imaginaires qui viennent répondre aux interrogations de Sarah et Yukel comme le souligne la dédicace du livre:
                        Aux sources hautes de la vie et de la mort révélées, À la poussière du puits, aux             rabins-poètes à qui j'ai prêté mes paroles et dont le nom, à travers les siècles, fut le mien ,à             Sarah et à Yukel, à ceux dont les chemins d'encre et de sang passent par les vocables et par les hommes, et plus près à toi, à nous, à toi. 

 Didier Cahen,  Photographie © Muriel Bergasa
 Didier Cahen
Photographie © Muriel Bergasa

Enfin la dernière blessure sera celle de l'exil. En effet il est forcé de tout abandonner lors de la crise du Canal de Suez en 1957, en raison de son origine juive. À Paris il commence par travailler dans une galerie de peinture puis comme juriste dans une entreprise de publicité. Il contribue à la création d'un dessin animé Le petit Lion. Cet éloignement de la terre natale tout comme les ruptures précédentes l'invitent à repenser sa judaïté et à s'interroger sur son rapport à la transcendance. Il part à la recherche de l'Autre, l'Etranger, lui même:
                        Nomade ou marin, toujours, entre l’étranger et l’étranger, il y a – mer ou désert – un             espace délinéé par le vertige auquel l’un et l’autre succombent.
            Voyage dans le voyage.
            Errance dans l’errance.
            L’homme est, d’abord, dans l’homme, comme le noyau dans le fruit, ou le grain de sel dans             l’océan.
            Et, pourtant, il est le fruit. Et, pourtant, il est la mer.
In Un étranger avec sous le bras un livre de petit format, Gallimard, 1989.

Les assistants étaient nombreux à la Brasserie Lipp pour écouter Didier Cahen   Photographie © Muriel Bergasa

Les assistants étaient nombreux à la Brasserie Lipp pour écouter Didier Cahen
 Photographie © Muriel Bergasa

À la fin de cette présentation, Didier Cahen a pu répondre aux diverses questions de l'assemblée notamment sur la réception de Jabès et sur ses liens avec la peinture.

samedi 7 décembre 2013

Hommage à Maurice Lestieux

©Bernard Fournier
12/10/13 Hommage à Maurice Lestieux
Notre ami Maurice, qui fut douze années durant le Président du Cercle Aliénor, nous a quittés le 25 août dernier et son départ nous a laissés dans la stupeur, tant sa bonté, son sourire, sa disponibilité cachaient les problèmes de santé qu’il pouvait rencontrer.
Je connaissais Maurice depuis bien moins de temps que beaucoup de ses amis et proches ici réunis mais dès notre première rencontre, la sympathie fut entre nous immédiate et spontanée, il m’est apparu comme « un être de lumière ».
Les horaires stricts qui nous sont imposés pour la conférence prévue de longue date font que nous ne pourrons aujourd’hui rendre qu’un bref hommage à notre ami poète ; aussi, en attendant de lui réserver une séance dans le programme de l’année prochaine, tenterons-nous de compenser la brièveté de notre évocation par la qualité des textes choisis et la sincérité des témoignages.
Je commencerai donc par me faire le porte-parole de Monique Gravaud, l’épouse de Maurice, qui prie les membres du Cercle Aliénor de croire en ses fidèles pensées et nous charge de lire ce poème en guise de remerciements à tous ceux à qui, faute d’adresse, elle n’a pu répondre personnellement :
Ecoute

Tant de soin ne peut être vain. Tant d’art
ne peut s’anéantir, ni tant d’amour
se perdre. Ecoute ce regard vibrant
jeté comme un cri, offert comme un
sourire, à chaque rive du bonheur.  (Maurice Lestieux)

Je me fais aussi le porte-parole de notre président d’honneur, Georges-Emmanuel Clancier qui, vraiment peiné, regrette vivement de ne pouvoir être présent et vous prie d’excuser son absence. Il témoigne aux proches et aux amis de Maurice toute l’estime qu’il a pour le poète très sincère qu’était Maurice Lestieux, saluant sa grande honnêteté d’esprit et sa conception exigeante de la poésie.  Georges-Emmanuel Clancier est reconnaissant à Maurice d’avoir animé de longues années le Cercle Aliénor et, dans le même sens qu’on parle d’hommes « de bonne volonté », il gratifie Maurice du titre de « poète de bonne volonté ».
Quelques amis proches de Maurice vont à présent apporter leur témoignage personnel :

Danièle Corre, qui succéda à Maurice, à la présidence d’Aliénor.

Passage de témoin
À Maurice Lestieux,

Toi qui as pris « la parole
par la main »1 et l’as conduite
sur des chemins de ferveur,
tu as dit « Tu sais, ce n’est pas moi qui dirai ton voyage.
Je glisserai pourtant au secret de ton bissac un
soupçon de festin pour les haltes désertes. »2
Voilà le jour venu où tu poses
le fardeau de douze années qui chantent encore
et te disent merci de les avoir aimées.

Tu veux t’émerveiller d’autres signes,
d’autres visages, d’autres discours,
tu nous laisses
jouer avec le feu, car « C’est un jeu,
c’est un jeu dangereux, le poème »3
écris-tu prudemment.

Tu veux poursuivre ailleurs
ta « quête d’azur aux fourches du figuier »4
avec nos mots vainement agrippés
à ton « écharpe de nuages »5.
Mais peut-on retenir
une force qui va,
avec « quelque intuition
de l’espace »6 ?

Tu veux chercher ailleurs,
loin de Saint-germain-des prés,
là-bas, vers le nord, « à l’autre bout
du temps, du rêve, de la question,
sur le versant secret de la parole,
la réponse juste. »7

Reviens nous instruire
ensuite du « soir lucide et doux »8,
« des humbles cargaisons de vouloir vivre ensemble »9
et nous tenir dans tes bras
« à grandes enjambées du cœur »10.


Danièle Corre
6 janvier 2010
Elisabeth Dolet-Launay lit un poème qu’elle avait composé pour Maurice :

A Maurice Lestieux


Connaissez-vous la bonté même ?
La bonté même, c’est un monsieur
Dont le visage et dont les yeux
Etrangement brillent, plus que gemme.

A chacun de ses pas il sème
Des étoiles, que l’on croit aux cieux.
Connaissez-vous la bonté même ?
La bonté même, c’est un monsieur

Partageant chanson ou poème,
Il suit chemin délicieux,
L’air doux, miséricordieux.
On le croise ? Aussitôt on l’aime !
Connaissez-vous la bonté même ?

Elisabeth Launay-Dolet  2006

Jean-François Blavin :
Je voudrais seulement évoquer aujourd’hui une forme de complicité amicale que j’avais nouée avec Maurice autour d’un personnage ayant vécu de 1330 à 1418, devenu légendaire, Nicolas Flamel.
Maurice avait eu un sourire joyeux, teinté d’espièglerie en découvrant que j’habitais à Paris, rue de Montmorency, et il me parla sur le champ de la fameuse Auberge du dit Nicolas Flamel et de dame Pernelle, sise à quelques pas de mon domicile.
Ce présumé alchimiste le fascinait, il me révéla alors qu’il avait écrit une pièce de théâtre en 1984 consacrée à cette figure de l’histoire de Paris et me remit son manuscrit intitulé « L’or de Dieu », avec en sous-titre « Le vray secret de Nicolas Flamel ».
Je découvris alors cette belle écriture théâtrale et, pour achever mon propos, je voudrais vous faire partager deux citations extraites de son opus où l’on retrouve tellement et le poète et l’homme d’interrogation philosophique.
Première réplique de Nicolas Flamel à ceux qui l’interrogent :
« Il faut se lever. Il faut partir comme les mages à la poursuite de l’étoile même si l’on n’arrive jamais. Quelque autre, un jour, arrivera ». 
Enfin, dernière réplique du maître alchimiste : « J’ai réussi à purifier le métal, mais pas encore à purifier l’homme ». (Jean-François Blavin)
Lisons enfin quelques poèmes de Maurice. En voici trois, sur le thème du silence, récités en décembre 2000, lors d’une rencontre chez Paul Farellier, autour de Maurice Lestieux et de Katty Verny-Dugelay (qui nous a procuré les textes) :
Le poème
Car il est temps de faire silence
ou presque. Peu de mots
sur la page. Peu de lignes
sur l’œuvre. L’unisson
de la parole et du regard
enfin trouvé. Le voici
dans la nudité suprême
de la parole, le jaillissement
de la couleur offerte
comme un battement d’espace
un frémissement du cœur,
le poème. (Maurice Lestieux)

Silence
Silence est l’autre nom de la parole
et de l’infinitude de l’espace,
il nous fallut imaginer des mots,
recréer, sans erreur, le monde en le
nommant. Comme le peintre en la distance
inaugure la beauté du soleil.
Silence est l’autre nom d’éternité.

Seulement
L’enfant qui marche
dans les blés,
on voit seulement les épis
qui tremblent
un peu.
La mer qui danse
sous le vent
on sent seulement
le sel
des embruns précurseurs.
L’amour qui marche
dans le cœur,
on entend seulement
le silence.

Guy Chaty va nous lire « L’homme, au milieu du monde », qui témoigne de l’humanisme de Maurice.
Maurice avait la foi chevillée au cœur, et l’hommage que nous tentons de lui rendre serait incomplet si nous n’évoquions pas la dimension chrétienne de ce poète. En témoignent ce passage d’ « Un certain Simon de Cyrène », lu par Bernard Fournier et enfin le poème « Le figuier et moi » (lu par Guy Chaty), où l’assurance du retour est l’autre nom de l’espérance.  

Béatrice Marchal, Présidente du Cercle Aliénor.